AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Zoulikha Y... épouse Z..., demeurant ...,
2 / Mme Zaïa X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1991 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), au profit de la société Brangeard, société à responsabilité limitée, dont le siège est Centre commercial Saint-Jean, 36000 Châteauroux, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 octobre 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bèque, conseiller rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Ransac, Mme Aubert, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Barberot, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme Z... et de Mme X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-4 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes Z... et X..., employées de la société Brangeard, ont été convoquées, le 15 juin 1989, à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique alors que l'employeur avait été informé qu'un mouvement de grève allait commencer le 16 juin ;
que les salariées ne se rendaient pas à la convocation et ne reprenaient pas leur travail, soutenant que l'accès à leur poste de travail leur avait été refusé par l'employeur ;
qu'elles saisissaient la juridiction prud'homale, d'abord en formation de référé en demandant le paiement de salaire du mois de juin 1989, les congés payés et la délivrance d'un bulletin de paie, puis au fond en demandant le paiement d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour débouter les salariées de leur demande en paiement d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que, par leur demande de salaires et de remise de bulletins de paie, en l'absence de décision de leur employeur de mettre fin à leur engagement, les intéressées ont clairement indiqué que leur contrat de travail était rompu et que cette rupture ne pouvait, en l'état, que leur être imputable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la démission du salarié doit résulter d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail et qu'en l'absence d'une telle volonté, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Brangeard, envers Mme Z... et Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bourges, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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