AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gilles Y..., demeurant Collège Jules Verne, Ambassade de France au Guatemala, 75351 Paris SP 07, en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1993 par la cour d'appel d'Angers (1re Chambre, Section A), au profit :
1 / de M. Martial D..., demeurant ...,
2 / de M. Claude C..., demeurant ...,
3 / de M. A..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Postic et Bry, demeurant ...,
4 / de la société Richet, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
5 / de la société Véron Diet et Cie, société à responsabilité limitée, dont le siège est : 49110 Le Pin-en-Mauges,
6 / de M. X..., pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la SARL Bonnel, demeurant ...,
7 / de M. B..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la SARL Bonnel, demeurant ...,
8 / de la société Bonnel, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
9 / M. Gilbert Z..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, M. Douvreleur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Mme Stephan, conseillers, Mmes Cobert, Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Villien, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 octobre 1993), qu'en 1987, M. Gilles Y..., maître de l'ouvrage, a chargé M. D..., architecte, d'une mission de maîtrise d'oeuvre relative à la rénovation complète d'une maison, qui devait être réalisée, notamment, avec le concours des sociétés Bonnel, Richet et Postic et By, entrepreneurs ;
que, se plaignant de malfaçons et non-conformités constatées avant la réception de l'ouvrage, M. Y... a sollicité la réparation de son préjudice, tandis que, par voie reconventionnelle, les entrepreneurs ont réclamé le paiement du coût de travaux supplémentaires ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de faire droit à ces dernières demandes, alors, selon le moyen, "d'une part, que la preuve d'un mandat porte non seulement sur sa qualité mais également sur son étendue ; qu'en retenant l'existence d'un tel contrat entre le fils et le père donnant à ce dernier pouvoir d'accepter l'exécution de travaux supplémentaires, cela après avoir seulement constaté que le second avait signé les documents contractuels originaires établis au vu des plans et descriptifs négociés et arrêtés par le premier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1315 et 1985 du Code civil ; d'autre part, qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ;
qu'en affirmant que le père était apparu comme le mandataire de son fils par cela seul qu'il avait participé à plusieurs réunions de chantier, sans relever les circonstances ayant autorisé les constructeurs à ne pas vérifier les pouvoirs de ce prétendu mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Gilles Y... résidait au Caire, qu'il avait donné mandat à son père de l'engager vis-à -vis des entrepreneurs, que l'absence de mandat écrit s'expliquait par le lien de parenté et que les travaux supplémentaires avaient été réalisés avec l'autorisation écrite du père du maître de l'ouvrage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu retenir, par motifs propres et adoptés, que M. Y... père, qui avait participé à plusieurs réunions de chantier, était le mandataire apparent de son fils ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement, par motifs adoptés, que la réparation du préjudice causé à M. Y... par le changement du matériau de remplissage du colombage, exécuté conformément au descriptif et au devis signé par son père, serait réalisée par l'allocation d'une indemnité compensatrice à la charge de M. D..., architecte, qui n'ignorait pas le souhait initial du maître de l'ouvrage ;
Sur le septième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que M. Y... n'avait pas répondu aux conclusions de l'architecte imputant au maître de l'ouvrage des retards dans la livraison de l'immeuble et que la réception de celui-ci était intervenue dans les délais contractuellement acceptables, la cour d'appel a souverainement retenu, abstraction faite d'un motif surabondant, que M. Y... ne pouvait prétendre à aucune indemnité pour retard ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande en paiement, par l'architecte, d'une somme au titre de la restauration du pignon Est de l'immeuble, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la réparation des lézardes par application d'un hydrofuge de couleur inappropriée n'ouvre droit à aucune réparation particulière ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le maître de l'ouvrage avait ainsi souffert d'un préjudice esthétique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... en paiement, par M. D..., d'une somme en raison de modifications apportées aux plans initiaux de rénovation prévoyant la réduction de l'ouverture entre la cuisine et la salle à manger, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que ces modifications ont été décidées sans opposition de M. Y... père, et que le maître de l'ouvrage ne peut prétendre à indemnité, ayant accepté devant l'expert les travaux tels que réalisés ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever l'acceptation expresse, par le mandataire du maître de l'ouvrage, des travaux modificatifs, et alors que, devant l'expert, M. Gilles Y... avait maintenu la demande d'indemnisation de son préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et sur le cinquième moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... tendant au paiement, par M. D..., d'une somme représentant le coût de remplacement d'une chaudière, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'expert avait indiqué que le remplacement de la chaudière s'était avéré nécessaire après la refonte complète de l'installation de chauffage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'expert s'était borné à consigner la déclaration de l'entrepreneur de chauffage sur ce point, sans donner son avis personnel, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, a violé le texte susvisé ;
Et sur le sixième moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande relative aux désordres affectant le plancher de la chambre du second étage, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que M. Y... n'établit pas que la pose en ait été réalisée sous le contrôle du Cabinet Vié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Y... avait confié à M. D... la maîtrise d'oeuvre de la restauration de la maison, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. Y... à l'encontre de M. D... relatives à la restauration du pignon Est de l'immeuble, à la réduction d'une ouverture entre la cuisine et la salle à manger, au remplacement d'une chaudière et à la pose du plancher de la chambre du second étage, l'arrêt rendu le 26 octobre 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. D... à payer à M. Y... la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. D... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Angers, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
2017