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15/11/1995 | FRANCE | N°93-83128

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 1995, 93-83128


CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Patrice,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 27 octobre 1992 qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 francs d'amende et, pour contraventions à la réglementation des temps de conduite et de repos dans les transports routiers, à 2 amendes de 2 000 francs, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu l'article 25, 8o et 15o de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu les

mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l...

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Patrice,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 27 octobre 1992 qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 francs d'amende et, pour contraventions à la réglementation des temps de conduite et de repos dans les transports routiers, à 2 amendes de 2 000 francs, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu l'article 25, 8o et 15o de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Marc Y..., chauffeur routier, s'est assoupi au volant du camion frigorifique qu'il conduisait sur autoroute et a percuté un mur ; qu'il a été blessé et son passager, tué dans l'accident ;
Que la gérante de la société Z..., leur employeur, propriétaire du camion, et Patrice X..., dirigeant de la société Transports Frigorifiques Européens, locataire du véhicule avec chauffeur, ont chacun été poursuivis pour homicide et blessures involontaires ainsi que pour infractions à la réglementation des temps de conduite et de repos dans les transports routiers ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, des articles 1 et 3 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986 relatifs à l'application des dispositions du règlement CEE n° 3820-85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, a déclaré Patrice X... coupable d'avoir fait effectuer un transport routier à l'intérieur de la Communauté économique européenne, sans respecter les dispositions réglementaires prescrivant une interruption de 45 minutes après une période de conduite de 4 heures 30 ;
" aux motifs que, s'il est soutenu par les prévenus qu'aucune infraction à la réglementation européenne sur les transports n'est constituée, au motif qu'aucune période de conduite, continue égale ou supérieure à 4 heures 30, n'existe, les déplacements étant de courte durée et entrecoupés d'arrêts d'une durée égale ou supérieure à cinq minutes, une telle analyse suppose que les temps d'arrêt ne soient pas consacrés à d'autres travaux que la conduite ; que les affirmations de Y... relatives aux cadences de travail très soutenues, à sa participation lors des temps d'arrêt aux opérations de chargement et de déchargement des marchandises, à l'importance du nombre de clients et à la longueur des trajets, se trouvent corroborées par les déclarations de M. A..., ancien employé, et par celles de Mme Z..., reconnaissant être intervenue auprès de la société TFE pour dénoncer le travail intensif des chauffeurs-livreurs (cf. arrêt p. 19, 1er et 2e attendus) ;
" et aux motifs adoptés du jugement qu'au vu du disque de contrôle, les services de police ont constaté que le conducteur n'avait pas observé l'interruption d'une durée de 45 minutes à l'issue d'une période de conduite de 4 heures 30 (cf. jugement p. 7 § 1 et 2) ;
" alors que seul doit être pris en compte, pour le calcul de la durée de 4 heures 30 de conduite à l'issue de laquelle le chauffeur doit marquer une interruption de 45 minutes, le temps pendant lequel le chauffeur se trouve effectivement au volant de son véhicule ; que, pour déclarer Patrice X... coupable d'avoir fait effectuer un transport, sans respecter les dispositions prescrivant une interruption de 45 minutes après une période de conduite de 4 heures 30, la cour d'appel s'est fondée, outre des considérations inopérantes relatives au caractère très soutenu des cadences de travail, au nombre des clients à livrer et à la longueur des trajets, sur le fait que les arrêts qui entrecoupaient les déplacements, lesquels étaient de courte durée et étaient toujours bien inférieurs à 4 heures 30, étaient consacrés à d'autres tâches et ne constituaient pas des temps de repos ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour caractériser la contravention au règlement CEE n° 3820 / 85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, la cour d'appel énonce qu'en méconnaissance de l'article 7 de ce règlement, le conducteur du camion n'a pas, après 4 heures et demie de conduite, respecté une interruption d'au moins 45 minutes ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'en effet, aux termes de l'alinéa 4 du texte précité, le conducteur ne peut, pendant les interruptions, effectuer d'autres travaux ; qu'il s'ensuit que si les temps consacrés par le chauffeur au chargement et au déchargement du véhicule ne sont pas pris en compte dans la durée de la conduite, laquelle est de ce fait suspendue, ces opérations ne peuvent constituer une interruption au sens de l'article 7 du règlement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, des articles 1 et 3 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986 relatif à l'application des dispositions du règlement CEE n° 3820 / 85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice X..., en sa qualité de directeur intérimaire de la société TFE, coupable d'infractions à la réglementation relative aux conditions de travail dans les transports routiers ;
" aux motifs que Patrice X... avait, en sa qualité de directeur intérimaire de la société TFE, pour obligation, entre autres dispositions visées à l'article 11 du contrat passé avec la société Z..., de rendre compatibles les itinéraires, les points de chargement et de déchargement, les délais de livraison de marchandises avec le respect de la réglementation sur la durée du travail, le temps de conduite et de repos ; qu'en l'espèce, il est manifeste, comme le relèvent les premiers juges, que les tournées de livraison étaient surchargées, conduisant les employés de la société Z..., agissant comme préposés de la société TFE dans le cadre des opérations de transport définies à l'article 7 de la convention, à ne pas respecter la réglementation en vigueur ; que X... a négligé ses obligations découlant des opérations de transport en favorisant l'inobservation des règlements par une mauvaise organisation des conditions de travail (cf. arrêt p. 21, 1er et 2e attendus) ;
" 1o) alors que seul l'employeur, personnellement chargé de veiller à l'application des règles relatives aux conditions de travail dans les transports routiers, en prenant les dispositions de nature à en assurer le respect, doit pénalement répondre des infractions qui y ont été commises ; qu'en déclarant Patrice X..., directeur intérimaire de la société TFE ayant conclu avec la société Z... un contrat de location de véhicules comportant la mise à la disposition du personnel de conduite, coupable d'infractions à la réglementation relative aux conditions de travail dans les transports routiers, en raison des dépassements du temps de conduite commis par le préposé de la société Z..., dont elle a déclaré la gérante également coupable des infractions en cause, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2o) alors que seul l'employeur, qui exerce son autorité et son contrôle sur le préposé qui a contrevenu à la réglementation relative aux conditions de travail dans les transports routiers, encourt la responsabilité pénale édictée par l'article 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958 ; que la cour d'appel a constaté que, aux termes du contrat de livraison de véhicules avec chauffeur liant la société TFE et la société Z..., le préposé de celle-ci demeurait sous son autorité en ce qui concerne les opérations de conduite ; qu'en déclarant néanmoins X..., directeur intérimaire de la société TFE, pénalement responsable des infractions commises par le préposé de la société Z... à la réglementation applicable, la cour d'appel qui, en déclarant également Mme Z... coupable de ces infractions, a nécessairement considéré qu'elles ressortissaient aux opérations de conduite du véhicule, a méconnu la portée juridique de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen ;
" alors que la cour d'appel, qui a constaté que, aux termes du contrat conclu entre la société Z... et la société TFE, celle-ci avait pour obligation de rendre compatibles les itinéraires, les points de chargement et de déchargement, ainsi que les délais de livraison des marchandises avec le respect de conduite et de repos, devait nécessairement, pour déclarer X... coupable des infractions qu'elle lui a imputées, caractériser en quoi les itinéraires, les points de chargement et de déchargement et les délais de livraison plaçaient les préposés de la société de location de véhicules dans l'impossibilité de respecter la réglementation relative au temps de conduite ; qu'en se bornant à affirmer, sans faire connaître les éléments sur lesquels elle se fondait, que " il était manifeste que les tournées de livraison étaient surchargées " et que " la mauvaise organisation des conditions de travail " imputable à X... avait favorisé l'inobservation des règlements, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour retenir la responsabilité pénale de Patrice X... pour infraction à la réglementation des temps de conduite et de repos dans les transports routiers, conjointement avec la gérante de la société Z..., la juridiction du second degré, après avoir relevé que, selon le contrat liant les deux sociétés, le propriétaire du camion avait la responsabilité des opérations de conduite et le locataire, celle des opérations de transport, énonce que ce dernier avait pour obligation conventionnelle de rendre compatibles les itinéraires, les points de chargement et de déchargement ainsi que les délais de livraison avec le respect de la réglementation sur la durée du travail ;
Que les juges ajoutent que l'organisation par le prévenu des opérations de transport ne permettait pas au chauffeur de se conformer aux prescriptions réglementaires ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la responsabilité pénale du chef d'entreprise qui donne en location un véhicule avec chauffeur n'exclut pas celle du locataire, qui, par ses ordres, met le conducteur dans l'impossibilité d'observer la réglementation des temps de conduite et de repos, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 319 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice X... coupable d'homicide involontaire ;
" aux motifs qu'en sa qualité de directeur intérimaire de la société TFE, Patrice X... avait pour obligation de rendre compatibles les itinéraires, les points de chargement et de déchargement, les délais de livraison des marchandises avec le respect des réglementations sur la durée du travail, le temps de conduite et de repos ; qu'en l'espèce, il est manifeste que les tournées de livraison étaient surchargées, conduisant les employés de la société Z..., agissant comme préposés de la société TFE, à ne pas respecter la réglementation en vigueur ; que Patrice X..., négligeant ses obligations découlant des opérations de transport et favorisant l'inobservation des règlements par une mauvaise organisation des conditions de travail, a bien commis une faute personnelle en lien direct avec la mort de M. B... ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déclaré coupable des infractions délictuelles et contraventionnelles visées à la prévention (cf. arrêt p. 21, 1er et 2e attendus) ;
" 1o) alors que la cassation, qui sera prononcée sur le premier, le deuxième et le troisième moyens du pourvoi, aura pour effet de priver de base légale la déclaration de culpabilité relative à l'homicide involontaire pour inobservation des règlements ;
" 2o) alors que, pour déclarer Patrice X... coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il était manifeste que les tournées étaient surchargées et que la mauvaise organisation des conditions de travail avait favorisé l'inobservation des règlements ; qu'en statuant de la sorte, sans faire connaître les éléments sur lesquels elle se fondait et sans rechercher, comme l'établissait le prévenu par la production du bordereau de groupage concernant la journée litigieuse, si " les livraisons ne pouvaient être réalisées sans infraction à la réglementation sur les transports, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, n'a pas caractérisé une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence constitutives du délit, violant ainsi les textes visés au moyen " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 40, 4o du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice X... coupable de blessures involontaires ;
" aux motifs qu'en sa qualité de directeur intérimaire de la société TFE, Patrice X... avait pour obligation de rendre compatibles les itinéraires, les points de chargement et de déchargement, les délais de livraison des marchandises avec le respect des réglementations sur la durée du travail, du temps de conduite et de repos ; qu'en l'espèce, il est manifeste que les tournées de livraison étaient surchargées, conduisant les employés de la société Z..., agissant comme préposés de la société TFE, à ne pas respecter les réglementations en vigueur ; que Patrice X..., négligeant ses obligations découlant des opérations de transport et favorisant l'inobservation des règlements par une mauvaise organisation des conditions de travail, a bien commis une faute personnelle en lien direct avec la mort de M. B... ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déclaré coupable de l'ensemble des infractions délictuelles et contraventionnelles visées à la prévention (cf. arrêt p. 21, 1er et 2e attendus) ;
" 1o) alors que la cassation qui sera prononcée sur le premier, le deuxième et le troisième moyens du pourvoi aura pour effet de priver de base légale la déclaration de culpabilité relative aux blessures involontaires par inobservation des règlements ;
" 2o) alors que, pour déclarer Patrice X... coupable de blessures involontaires, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il était manifeste que les tournées étaient surchargées et que la mauvaise organisation des conditions de travail avait facilité l'inobservation des règlements ; qu'en statuant de la sorte, sans faire connaître les éléments sur lesquels elle se fondait et sans rechercher si, comme l'établissait le prévenu par la production du bordereau de groupage concernant la journée litigieuse, les livraisons ne pouvaient être réalisées sans infraction à la réglementation sur les transports, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, n'a pas caractérisé une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence constitutive de l'infraction, violant ainsi les textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, en tous leurs éléments constitutifs, les infractions d'homicide et de blessures involontaires dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, des articles 1 et 3 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986 relatif à l'application des dispositions du règlement CEE n° 3820-85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif de ce chef a déclaré Patrice X... coupable d'avoir, en sa qualité de directeur intérimaire de la société TFE, fait effectuer un transport routier à l'intérieur de la Communauté économique européenne sans respecter les dispositions réglementaires relatives à la durée maximum de conduite journalière, en faisant dépasser par Y..., son chauffeur, la durée totale de conduite de dix heures entre deux repos journaliers ;
" aux motifs que, s'il est soutenu par les prévenus qu'aucune infraction à la réglementation européenne sur les transports en ce qui concerne la durée de conduite n'a été commise, la durée maximum de conduite journalière autorisée, soit 9 heures (ou 10 heures deux fois par semaine) n'ayant pas été en l'espèce atteinte, une telle analyse suppose que les temps d'arrêt ne soient pas consacrés à d'autres travaux que la conduite ; que la Cour relève en l'espèce que les affirmations de Y... relatives aux cadences de travail très soutenues, sa participation lors de temps d'arrêt aux opérations de chargement et de déchargement des marchandises, l'importance du nombre de clients et la longueur des trajets se trouvent corroborées tant par les déclarations de M. A..., ancien employé, que par celles de Mme Z..., reconnaissant être intervenue auprès de la société TFE pour dénoncer le travail intensif des chauffeurs-livreurs (cf. arrêt p. 19, 1er et 2e attendus) ;
" et aux motifs adoptés du jugement que l'enquête et l'examen du disque chronotachygraphe du véhicule conduit par Y... le 20 juin 1989, ont permis d'établir que celui-ci avait débuté sa journée à 2 heures 15 du matin, qu'il s'était arrêté de 2 heures 30 à 5 heures 30 pour effectuer le chargement de son camion et avait repris la route à 5 heures 30 en direction de Fréjus ; que sa tournée s'est poursuivie en temps de conduite, coupée de petits arrêts pour effectuer le déchargement de la marchandise en différents magasins et qu'il s'est assoupi à 14 heures 30, heure de l'accident ; qu'au vu du disque de contrôle, les services de police ont constaté que le conducteur avait donc dépassé la durée de conduite journalière qui ne doit pas être supérieure à 10 heures deux fois par semaine (cf. jugement p. 6, dernier paragraphe, et p. 7 § 1) ;
" alors que pour le calcul de la conduite journalière dont le dépassement se trouve incriminé par les textes susvisés, seul doit être pris en compte le temps où le chauffeur se trouve de manière effective au volant de son véhicule, à l'exception des périodes de temps consacrées à une autre tâche ; que pour déclarer Patrice X... coupable d'avoir fait effectuer un transport sans respecter la durée maximum de conduite journalière, la cour d'appel s'est fondée, outre des considérations inopérantes relatives au caractère très soutenu des cadences de travail, au nombre des clients à livrer, à la longueur des trajets, ainsi qu'à des dépassements d'horaires étrangers à la poursuite, sur le fait que les temps d'arrêt, dont elle a constaté qu'ils " coupaient " le temps de la conduite, étaient consacrés à d'autres tâches ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a méconnu que les temps d'arrêt, eussent-ils été consacrés à d'autres tâches, ne pouvaient être pris en compte dans le calcul de la période de conduite journalière, a violé les textes visés au moyen ;
" alors que la cour d'appel, qui a constaté que le chauffeur avait pris la route à 5 heures 30 du matin et que l'accident s'était produit à 14 heures 40, ne pouvait, sans méconnaître la portée juridique de ses constatations, déclarer constituée l'infraction ayant consisté à faire dépasser par le chauffeur la période journalière de conduite de dix heures autorisée deux fois par semaine ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a, en tout état de cause, violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 6 du règlement CEE n° 3820 / 85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, la durée totale de conduite comprise entre deux repos journaliers, dénommée période de conduite journalière, ne doit pas dépasser 9 heures, ou 10 heures deux fois par semaine ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de contravention à ce texte, la cour d'appel relève qu'au moment de l'accident, le conducteur du camion avait accompli un temps de travail de 12 heures 40, dont un temps de conduite de 7 heures 10 ; qu'elle ajoute que les temps d'arrêt ayant été consacrés à d'autres travaux, la durée maximale de conduite journalière autorisée a été dépassée ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors que la période de conduite journalière ne s'entend pas du temps de travail du chauffeur routier, mais du temps passé par lui à conduire, la cour d'appel a méconnu les textes ci-dessus visés ;
Et attendu que par l'effet de la loi d'amnistie, les faits ne sont plus susceptibles de requalification en contravention de dépassement de la durée quotidienne de travail effectif dans les entreprises de transport routier, prévue et punie par les articles 7 du décret du 26 janvier 1983, dans sa rédaction alors applicable, et R. 261-3 du Code du travail ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle doit avoir lieu par voie de retranchement et sans renvoi ;
Et sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 385-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise hors de cause de l'UAP, assureur de la société TFE ;
" aux motifs que la compagnie Uni Europe et le Fonds de garantie automobile, parties intimées dans le cadre de la procédure d'appel concernant Patrice X..., parties intervenant volontairement dans le cadre de celle concernant Mme Z... seront, par des motifs non contraires à ceux du premier juge dans sa décision en date du 11 février 1992 et dont la Cour fait sienne la formulation, mis hors de cause en l'état de la garantie due par la compagnie Assurances Transports de France ; qu'il en sera de même à l'égard de l'UAP (cf. p. 23, 2e attendu) ;
" alors qu'en se bornant à se référer aux motifs par lesquels le premier juge avait statué sur la garantie due par les compagnies d'assurances, la cour d'appel n'a pas fait connaître les raisons pour lesquelles l'UAP, appelée pour la première fois en cause d'appel par les parties civiles, ne devait pas sa garantie ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation des textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que les parties civiles ont appelé en intervention, pour la première fois en cause d'appel, la compagnie UAP, assureur de la société locataire du véhicule ;
Attendu que, pour la mettre hors de cause, l'arrêt attaqué énonce que la compagnie " Transport de France ", qui assure le véhicule en vertu d'une police souscrite par la société propriétaire du camion, doit déjà sa garantie ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ce seul motif, inopérant, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 octobre 1992 en ce qu'il a déclaré Patrice X... coupable de contravention à l'article 6 du règlement CEE n° 3820 / 85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, et a prononcé pour cette infraction une amende de 2 000 francs ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles concernant la compagnie d'assurances UAP, l'arrêt précité, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.


Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Interruption de la conduite continue - Définition.

1° TRANSPORTS - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Interruption de la conduite continue - Définition 1° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Règlements - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Interruption de la conduite continue - Définition.

1° Le règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route énonce, en son article 7, qu'après 4 heures et demie de conduite, le conducteur doit respecter une interruption d'au moins 45 minutes, à moins qu'il n'entame une période de repos. Aux termes de l'alinéa 4 de ce texte, le conducteur ne peut, pendant les interruptions, effectuer d'autres travaux. Il s'ensuit que si les temps consacrés par le chauffeur au chargement et au déchargement du véhicule ne sont pas pris en compte dans la durée de la conduite, laquelle est de ce fait suspendue, ces opérations ne peuvent constituer une interruption au sens de l'article 7 du règlement.

2° TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Période de conduite journalière - Définition.

2° TRANSPORTS - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Période de conduite journalière - Définition 2° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Règlements - Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Conditions de travail - Période de conduite et de repos - Période de conduite journalière - Définition.

2° Selon l'article 6 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, la durée totale de conduite comprise entre deux repos journaliers, ne doit pas dépasser 9 heures, ou 10 heures deux fois par semaine. La période de conduite journalière ne s'entend pas du temps de travail du chauffeur routier, mais du temps passé par lui à conduire. Encourt dès lors la censure, l'arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable de contravention à ce texte, a pris en compte les temps d'arrêt consacrés au chargement et au déchargement du véhicule.

3° TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Location de véhicule avec conducteur - Opérations de conduite et de transport - Conditions de travail - Temps de conduite et de repos - Responsabilité pénale du locataire - Exclusion (non).

3° TRANSPORTS - Transports routiers publics ou privés - Dispositions relatives à la protection du travail et à la sécurité de la circulation routière - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Location de véhicule avec conducteur - Opérations de conduite et de transport - Conditions de travail - Temps de conduite et de repos - Responsabilité pénale du locataire - Exclusion (non).

3° La responsabilité pénale du chef d'entreprise qui donne en location un véhicule avec chauffeur n'exclut pas celle du locataire, qui, par ses ordres, met le conducteur dans l'impossibilité d'observer la réglementation des temps de conduite et de repos(1).


Références :

1° :
2° :
3° :
Décret 86-1130 du 17 octobre 1986 art. 1, art. 3
Ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 art. 3 Bis
Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 art. 6
Règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 art. 7

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 octobre 1992

CONFER : (3°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-02-15, Bulletin criminel 1994, n° 69 (1), p. 145 (rejet)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1995-07-18, Bulletin criminel 1995, n° 257, p. 718 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 15 nov. 1995, pourvoi n°93-83128, Bull. crim. criminel 1995 N° 351 p. 1017
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 351 p. 1017
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Simon, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Guinard, la SCP Rouvière et Boutet, la SCP Célice et Blancpain.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 15/11/1995
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 93-83128
Numéro NOR : JURITEXT000007067976 ?
Numéro d'affaire : 93-83128
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1995-11-15;93.83128 ?
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