AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1993 par la cour d'appel d'Agen (1ère chambre), au profit :
1 / de Mme veuve X...
Y..., née B..., demeurant ...,
2 / de M. le Procureur général près la cour d'appel d'Agen, domicilié au Palais de Justice de ladite ville, 47000 Agen, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 octobre 1995, où étaient présents : M. Fouret, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Aubert, conseiller rapporteur, Mme Lescure, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Aubert, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme veuve Y..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, (Agen, 3 mars 1993), Mme Y... était titulaire d'un nantissement et d'un privilège du vendeur, portant sur un fonds de commerce d'hôtel-restaurant et inscrits respectivement en 1979 et 1986 ;
que le 30 juillet 1982, M. Z..., notaire, a reçu un acte par lequel la société à responsabilité limitée exploitant de ce fonds, a vendu la licence de débit de boissons (licence IV) qui lui était affectée, pour un prix de 45 000 francs ;
que quelques mois plus tard cette société a été mise en redressement judiciaire, puis en liquidation ;
que Mme Y..., qui n'avait pas été informée de la cession intervenue le 30 juillet 1982, et qui n'avait pu être intégralement remboursée de ses droits, a assigné M. Z... en réparation de son préjudice ;
que la cour d'appel, retenant que le notaire avait privé Mme Y... de garanties régulièrement inscrites, l'a condamné à lui payer 45 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que M. Z... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, que, d'une part, l'exploitation d'un fonds d'hôtel-restaurant ne requiert pas de licence de débit de boissons quelle qu'en soit la catégorie, de sorte que, en imputant à faute au notaire le défaut de publication de la cession de licence, motif pris de ce qu'elle aurait porté sur un élément indispensable à l'exploitation du fonds et aurait été équivalente à la cession du fonds, après avoir constaté que le fonds dont dépendait la licence cédée était un hôtel-restaurant, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions antérieures des articles L. 22 du Code des débits de boissons, 3 de la loi du 17 mars 1909 et 1982 du Code civil ;
et alors que, d'autre part, en déclarant que Mme Y... avait été empêchée par la faute imputée au notaire d'exercer ses droits de suite et de préférence attachés au privilège du vendeur, après avoir constaté que Mme Y... a inscrit son privilège sur le fonds le 23 mai 1986, postérieurement à la vente litigieuse, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences de ses propres constatations du point de vue du lien de causalité et aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
et alors que, enfin, en fixant le montant de la réparation allouée au montant total du prix de cession, sans constater le montant de la créance alléguée et établie par Mme Y..., la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard du même texte :
Mais attendu, d'abord, que l'article L. 23 du Code des débits de boissons énonçant que les restaurants qui ne seront pas titulaires d'une licence de débit de boissons à consommer sur place doivent être pourvus de l'une des deux catégories de licence, visées par la suite du texte, la cour d'appel, qui a relevé qu'à la suite de la vente litigieuse le fonds de commerce privé de licence devenait de ce fait inexploitable, a légalement justifié sa décision ;
qu'ensuite, ayant constaté que Mme Y..., outre son privilège du vendeur, avait inscrit un nantissement sur le fonds de commerce dès le 26 mars 1979, c'est à bon droit qu'elle a estimé que la faute du notaire l'avait privée des garanties qu'elle avait prises et du contrôle qu'elle pouvait exercer ; qu'enfin, la cour d'appel ayant constaté que le préjudice subi, par Mme Y..., lié à la perte des garanties qu'elle avait prises, était certain, c'est par une appréciation souveraine du dommage causé qu'elle a fixé à la somme de 45 000 francs les dommages-intérêts dûs par M. A... ;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z..., envers le Trésorier payeur général, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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