Reçoit le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables et des comptables agréés en son intervention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'une instance en responsabilité engagée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Haute-Vienne (la Caisse), d'une part, contre la société d'expertise comptable Fidulor et M. X..., d'autre part, contre la société d'expertise comptable Fiduciaire de France-Fidex, respectivement commissaires aux comptes et experts-comptables de la société Ricoux, mise en liquidation des biens, la cour d'appel, statuant sur l'appel formé contre une ordonnance du juge de la mise en état, a, par arrêt du 30 mai 1985, ordonné la production, par la société Fidex et M. Y..., entre les mains de l'expert désigné par le Tribunal, des documents relatifs aux inventaires et à l'évolution des stocks de la société Ricoux ainsi que, par la société Fidulor et M. X..., de feuilles de travail rédigées à l'occasion de leurs vérifications au sein de ladite société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt d'avoir, infirmant le jugement entrepris, écarté des débats les pièces versées par la société Fidulor en exécution de l'arrêt du 30 mai 1985, dit que ces documents constitués de " feuilles de travail " sont couverts par le secret professionnel, rejeté l'ensemble de ses demandes et accordé diverses sommes aux sociétés Fidex et Fidulor ainsi qu'à M. Y... et aux consorts X..., alors, selon le pourvoi, que le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche et dont, dès ce moment, le juge se trouve dessaisi ; que l'arrêt du 30 mai 1985, ayant, dans la même instance, statué sur l'incident tiré du secret professionnel, en ordonnant la communication à l'expert commis des documents demandés dont aucun n'était couvert par le secret professionnel édicté par les textes susvisés, l'arrêt au fond du 23 novembre 1992 ne pouvait plus se saisir de la même contestation, désormais tranchée ; qu'en décidant cependant que ces mêmes documents seraient couverts par le secret professionnel, l'arrêt attaqué a méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'incident sur lequel il a été statué le 30 mai 1985 et le dessaisissement du juge par la suite de l'instance, violant ainsi les articles 480 et 481 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 21 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et 233 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé à bon droit que l'arrêt du 30 mai 1985, statuant en appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, n'avait pas au principal l'autorité de la chose jugée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen pris en sa première branche :
Vu les articles 233 et 234 de la loi du 24 juillet 1966 ensemble les articles 21 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, 1382 et 1383 du Code civil ;
Attendu que pour écarter des débats les feuilles de travail versées par la société Fidulor et par les héritiers Le Franc ainsi que le cas échéant, celles versées par la société Fidex en exécution de son précédent arrêt du 30 mai 1985, la cour d'appel a estimé que ces pièces étaient couvertes par le secret professionnel ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, nonobstant le secret professionnel auquel les commissaires aux comptes et les experts comptables sont tenus dans l'intérêt de la société bénéficiaire, constitue un moyen de preuve légalement admissible la production par ceux-ci de documents nécessaires à la manifestation de la vérité relatifs aux diligences et contrôles par eux effectués au sein d'une société, dans un litige ayant pour objet d'établir leur responsabilité à l'égard d'un tiers, créancier de ladite société en liquidation, à raison des conséquences dommageables des fautes et négligences qui leur sont reprochées dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen pris en sa première branche : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.