AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Hugues Z..., demeurant ...,
2 / Mme Elisabeth Z..., née Luc, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 17 septembre 1993 par la cour d'appel de Versailles (4ème chambre civile), au profit :
1 / de M. Y..., demeurant ...,
2 / de Mme Doria Y..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, MM.
Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes X... Marino, Borra, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bourrelly, les observations de Me Blanc, avocat des époux Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 19 de la loi du 1er septembre 1948 ;
Attendu que le droit au maintien dans les lieux n'est pas opposable au propriétaire de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui veut reprendre son immeuble pour l'habiter lui-même ou le faire habiter par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou par ceux de son conjoint et qui justifie que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d'une habitation correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa famille vivant habituellement ou domiciliés avec lui ;
que le juge doit toujours apprécier les situations qui lui sont soumises au jour de la signification de l'acte extrajudiciaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 septembre 1993), que, le 15 mars 1991, les époux Z..., propriétaires à Suresnes d'un appartement occupé sous le régime du droit au maintien dans les lieux par les époux Y..., ont notifié à ces derniers un congé aux fins de reprise sur le fondement de la loi du 1er septembre 1948 au bénéfice de leur fille majeure, poursuivant alors ses études à Paris, où elle était hébergée chez ses grands-parents ;
que les époux Y... ont opposé que la fille des époux Z... n'avait pas besoin de loger dans l'appartement que ces derniers voulaient reprendre ;
Attendu que, pour déclarer nul le congé, l'arrêt retient que, depuis la rentrée scolaire de 1992, la bénéficiaire du congé est inscrite au centre d'enseignement à distance de Rennes, ce qui ne nécessite pas qu'elle habite Suresnes, et qu'elle peut, pour suivre des cours par correspondance loger chez ses parents, qui ne font pas valoir que leur appartement soit trop étroit pour la recevoir dans des conditions normales ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contestation élevée par les époux Y... devait être appréciée au jour de la signification de l'acte extrajudiciaire et que, majeure à cette date, la bénéficiaire du congé n'était pas tenue de demeurer chez ses parents, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les époux Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Versailles, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1985