AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Albert Y..., demeurant ... (Guyane), en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 1993 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile et commerciale), au profit de Mme Christine X..., demeurant ... (Guyane), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Borra, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Borra, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. Y..., de Me Vuitton, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux articles 23-1 à 23-4 le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ;
qu'en cas de renouvellement postérieur à la date d'expiration du bail échu, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif ;
que les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 avril 1993), que Mme X..., propriétaire d'un local à usage commercial donné en location à M. Y..., suivant un bail verbal consenti en 1969, poursuivi depuis par tacite reconduction, a donné congé au locataire le 16 novembre 1988 pour le 1er juin 1989, avec offre de renouvellement et que ce dernier a demandé la fixation du loyer au montant de la valeur locative en invoquant la durée du bail ;
Attendu que, pour fixer, en application de la règle du plafonnement, le loyer du bail renouvelé, l'arrêt retient que le moyen du locataire tendant à faire écarter la variation de l'indice du coût de la construction n'est pas "applicable" en l'espèce comme visant l'alinéa 2 de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, par motifs propres et adoptés, elle avait constaté que par l'effet de la tacite reconduction le bail avait excédé douze ans, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Mme X... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Fort-de-France, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1969