AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE UAP, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de MONTPELLIER, du 15 septembre 1994 qui, sur renvoi après cassation dans la procédure suivie contre Alain Z... et Laurence X... pour usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque, tentative d'escroquerie, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575 alinéa 2,2 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 183, 186 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme relevé hors délai l'appel interjeté le 18 octobre 1991 de l'ordonnance de non-lieu partiel du 28 février 1991 ;
"aux motifs que le délai d'appel court à compter de la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception portant notification prévue par l'article 183 alinéa 2 du Code de procédure pénale et qu'il appartenait à la partie civile au vu d'une notification qui était régulière après avoir pris connaissance de l'ordonnance elle-même et sans se référer au seul avis d'ordonnance rendue envoyé par le juge d'instruction d'en relever appel immédiatement dans le délai imparti par l'article 186 du Code de procédure pénale ;
"alors que les mentions apposées par le greffier, sur l'ordonnance critiquée, de l'envoi de l'avis de la décision au conseil de la partie civile et de la notification de l'ordonnance à celle-ci par lettre recommandée, ne font pas la preuve qu'une copie de l'acte a été remise aux intéressés comme l'exigent les formalités prescrites par l'article 183 du Code de procédure pénale ;
qu'ainsi le simple avis d'ordonnance rendue par lequel il était porté à la connaissance de la partie civile et de son conseil que le magistrat instructeur avait rendu une ordonnance de renvoi dans la procédure suivie contre Alain Z... des chefs d'usage de faux et de tentative d'escroquerie ne pouvait valoir notification régulière de l'ordonnance de non-lieu et qu'à défaut d'accomplissement de cette formalité substantielle, le délai d'appel ne pouvait courir ;
que l'arrêt attaqué, qui tient pour régulière une notification qui n'a jamais été effectuée et qui déclare en conséquence l'appel irrecevable comme tardif, méconnaît les textes visés au moyen" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 183 du Code de procédure pénale, la notification des ordonnances susceptibles de faire l'objet d'une voie de recours de la part de la partie civile doit être faite à celle-ci et à son avocat suivant les mêmes modalités et que, dans tous les cas, une copie de l'acte doit leur être remise à chacun ;
que, si l'omission de notifier régulièrement l'ordonnance n'affecte pas la validité de celle-ci, elle a pour conséquence d'empêcher le délai de courir ;
Attendu que, par ordonnance du 25 février 1991, le juge d'instruction a prononcé non-lieu à l'égard de Laurence X... et non-lieu partiel à l'égard d'Alain Z..., mis en examen pour faux en écriture privée de commerce ou de banque et tentative d'escroquerie ;
que l'UAP, partie civile, a, le 18 octobre 1991, interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt attaqué relève qu'il n'a pas été formé dans le délai de 10 jours prescrit par l'article 186 du Code de procédure pénale qui court à compter de la date d'envoi de la lettre recommandée portant notification prévue par l'article 183 alinéa 2 du même Code ;
qu'il retient que la notification a été régulière, précisant qu'il appartenait à la partie civile, au vu de celle-ci, de prendre connaissance de l'ordonnance et, sans se référer au seul avis envoyé par le juge d'instruction, d'en relever appel immédiatement dans le délai imparti ;
Mais attendu que, si l'une des mentions inscrites par le greffier sur l'ordonnance incriminée précise que "la présente ordonnance a été portée à la connaissance de la partie civile par lettre recommandée le 28 février 1991", une autre énonce seulement "qu'avis de la présente ordonnance a été donné par lettre recommandée le 28 février 1991 à Maître Y..., conseil de la partie civile" ;
que, de cette dernière mention, il ne résulte pas que copie de la décision ait été adressée audit conseil ;
qu'ainsi la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 15 septembre 1994, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de Montpellier sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chevallier, M. Farge conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;