AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sarreguemines bâtiment, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1993 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale), au profit de Mme Sylvie X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 juillet 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Merlin, Desjardins, conseillers, Mlle Sant, MM Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Waquet, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Sarreguemines bâtiment, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'à la suite d'un mouvement de grève commencé le 22 octobre 1990 et qui s'est poursuivi au cours du mois de novembre 1990, la société Sarreguemines Bâtiment a licencié pour faute lourde un certain nombre de salariés grévistes, dont Mme X... ; que, par l'arrêt attaqué (Metz, 29 mars 1993) la cour d'appel a condamné l'employeur à lui payer les indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur reproche d'abord à l'arrêt d'avoir écarté l'exception de nullité de la procédure, à raison de l'absence de tentative de conciliation alors que, selon le moyen, le conseil de prud'hommes de Sarreguemines ayant fait droit à l'exception d'incompétence soulevée du fait que la composition de cette juridiction comportait un membre de la société Sarreguemines Bâtiment, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 47 et 97 du nouveau Code de procédure civile et viole les articles L. 511-1, R. 516-11, R. 516-13 et suivants du Code du travail l'arrêt qui considère que, l'affaire ayant été renvoyée devant le conseil de prud'hommes de Forbach, la tentative de conciliation, qui avait été effectuée devant le conseil de prud'hommes de Sarreguemines, n'avait pas à être réitérée ;
Mais attendu que, lorsque par application de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile, une instance est renvoyée de la juridiction territorialement compétente à une juridiction limitrophe, il résulte des dispositions de l'article 97 du même Code que cette instance se poursuit en l'état où elle se trouvait, sans qu'il y ait lieu de reprendre les actes de procédure déjà accomplis ;
d'où il suit que c'est à bon droit que la cour d'appel ayant constaté que le préliminaire de conciliation avait été régulièrement effectué devant le conseil de prud'hommes de Sarreguemines, avant qu'il soit dessaisi, a décidé qu'il n'avait pas à être de nouveau effectué devant le conseil de prud'hommes de Forbach où l'instance s'est poursuivie ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur reproche aussi à l'arrêt de l'avoir condamné à payer les indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que, selon le moyen, d'une part la lettre de licenciement adressée à la salariée visait comme cause de la rupture le motif précis suivant :
"opposition au dispositif de l'ordonnance de M. le président du tribunal de grande instance de Sarreguemines du 5 novembre 1990" ;
qu'il s'ensuit que viole les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-4 du Code du travail, l'arrêt qui refuse de prendre en considération le procès verbal de constat d'huissier dressé le 7 novembre 1990 qui établissait de façon incontestable la faute reprochée à la salariée, au motif que ce procès verbal n'était pas visé dans la lettre de licenciement ;
alors que, d'autre part, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui, tout en relevant que la société faisait valoir que, outre les constats d'huissier, l'individualisation des participants a été effectuée par deux salariés connaissant chacun desdits participants, ces deux salariés ayant en outre délivré une attestation qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, omet de s'expliquer sur ce moyen déterminant soulevé par l'employeur ;
Mais attendu que, s'en tenant à bon droit aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, les juges du fond ont relevé que celle-ci, pour caractériser l'opposition des grévistes à l'ordonnance d'expulsion prononcée par le président du tribunal de grande instance, n'invoquait que les faits consignés dans le procès verbal de constat dressé le 5 novembre 1990 ;
qu'ils ont constaté que dans la liste des salariés s'opposant au libre accès de l'usine contenue dans ce procès verbal, dont les termes ont été confirmés par les attestations produites, ne figurait pas le nom de Mme X... ;
qu'ils ont, ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié leur décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sarreguemines bâtiment, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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