AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Abdellah Y..., demeurant cité Palmer, ..., appartement 210, 33150 Cenon, agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administrateur légal de sa fille Ilham Y..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 1993 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre, section A), au profit :
1 / de M. Elhadj X..., demeurant ..., pris ès qualités de civilement responsable et administrateur légal de sa fille mineure Myriam X...,
2 / de la Mutuelle assurance de l'Education, dont le siège est ...,
3 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, dont le siège est ...,
4 / de M. le préfet de la Gironde, domicilié en cette qualité en la préfecture de la Gironde, ... Meriadeck, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 juin 1995, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Chevreau, conseiller rapporteur, MM. Laplace, Buffet, Dorly, Séné, Colcombet, Mme Solange Gautier, M. Chardon, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Tatu, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chevreau, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., ès qualités, et de la Mutuelle assurance de l'Education, de Me Vincent, avocat de M. le préfet de la Gironde, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 avril 1993), qu'Ilham Y..., qui jouait sur une cour de récréation au jeu de "la tape" en compagnie de Myriam X..., toutes deux âgées de 10 ans, a fait une chute et a été blessée ;
que son père, imputant cette chute à un geste de Myriam X..., a assigné en réparation le père de cette dernière sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, et son assureur, la Mutuelle assurance de l'Education (MAE) ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, que, pour que soit présumée, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, la responsabilité des père et mère d'un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ;
qu'en l'espèce, où il était constant que la forte poussée donnée par Myriam X... étant la cause directe de la chute de la jeune Ilham Y... et du dommage subi par celle-ci, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, écarter l'application à M. X..., père de la jeune Myriam, de la présomption de responsabilité édictée par ce texte ;
alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui tenait pour constant que la chute de l'enfant s'était produite au cours d'un jeu collectif dit "de la tape" et à la suite d'un geste de Myriam X... décrit comme une "très forte poussée" sur la personne de sa camarade Ilham, ne pouvait, sans violer l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, exclure l'existence d'un geste fautif ou seulement illicite de la jeune Myriam X... de nature à entraîner la responsabilité civile de son père ;
alors, enfin, que le comportement violent de Myriam X..., fût-ce au cours d'un jeu habituel dans les cours de récréation, traduisait nécessairement un manquement de son père à son obligation d'éducation, de nature à entraîner la responsabilité de ce dernier sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, qu'en décidant le contraire, la cour d'appel aurait manifestement violé ledit texte ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les deux enfants participaient au jeu dit de "la tape", activité ludique et banale dans une cour de récréation, impliquant course, poursuite, écarts, gestes des bras et des mains pour transmettre la tape ou pour y échapper, et que s'il était constant que la chute d'Ilham Y... s'était produite à la suite d'un geste de Myriam X..., il n'était pas établi si ce contact avait eu lieu en station immobile ou au cours d'une course où l'une aurait cherché à échapper à "la tape" de l'autre, si la jeune Ilham était en position stable ou en déséquilibre de son propre fait ou non, et quel avait été le degré de force mis dans son geste par la jeune Myriam ;
Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu décider que n'était pas établie l'existence d'un acte de Myriam X... qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. le conseiller Chevreau, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en remplacement de M. le président empêché, en son audience publique du vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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