AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... ALVAREZ Ruben, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 juillet 1994, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département du VAL d'OISE sous l'accusation de vols avec usage ou menace d'une arme et prise d'otages ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 197 et 593 du Code de procédure pénale, 6-3 b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que le procureur général a notifié le 3 juin 1994 la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience aux parties intéressées et à leurs avocats par lettres recommandées le 2 juin 1994, conformément aux dispositions de l'article 197 du Code de procédure pénale ;
"alors que, les formalités imposées par l'article 197 du Code de procédure pénale sont essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité ;
qu'il résulte du dossier de la procédure que Z... Alvarez a adressé, le 18 juin 1994, soit 18 jours avant l'audience, une lettre au procureur général, lui précisant, d'une part, qu'il était détenu à la maison d'arrêt de la santé et, d'autre part, que son nouvel avocat, remplaçant Me Y... initialement constitué, était Me X..., lequel était désormais son seul défenseur ;
qu'il résulte encore du dossier que Z... Alvarez a été convoqué à son ancienne adresse du ... (lettre revenue non réclamée) et que seul Me Y..., qui avait pourtant averti le parquet général, en indiquant sa nouvelle adresse, qu'il n'était plus l'avocat de Z... Alvarez, a été convoqué en qualité de conseil, de surcroît à son ancienne adresse (lettre également revenue non réclamée) ;
que, dès lors, ni Z... Alvarez ni son conseil n'ayant été régulièrement avisés de la date d'audience, les droits de la défense ont été méconnus, étant précisé qu'aucun mémoire n'a été déposé et que personne ne s'est présenté pour l'intéressé devant la chambre d'accusation ;
qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué encourt l'annulation" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la notification à chacune des parties et à son avocat de la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience de la chambre d'accusation constitue une formalité essentielle aux droits de la défense et doit être observée à peine de nullité;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Ruben Z... Alvarez, qui avait initialement choisi comme avocat Me Y..., a ultérieurement désigné aux lieu et place de ce dernier Me Dehapiot ;
que, le dossier ayant été transmis à la chambre d'accusation, il en a avisé le procureur général par lettre du 18 juin 1994, et que Me Y... a fait de même suivant courrier du 2 juin 1994 ;
Mais attendu que Me X... n'a pas été avisé de la date à laquelle l'affaire serait examinée devant la chambre d'accusation, une convocation ayant été adressée seulement à Me Y... ;
qu'aucun avocat ne s'est présenté à l'audience et aucun mémoire n'a été déposé pour Ruben Z... Alvarez ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions concernant Ruben Z... Alvarez, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 juillet 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Pibouleau, Mmes Simon, Chevallier, M. Farge conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Perfetti avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;