AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 janvier 1994 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), au profit de M. Driss Y..., demeurant ..., bloc 9, n 121, Cité Sabatot, 30800 Saint-Gilles, défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juillet 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Carmet, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de Me Choucroy, avocat de X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., exploitant agricole, employait M. Y... à son service depuis 1977 ;
que, le 10 décembre 1990, le salarié est parti pour le Maroc afin d'y passer cinq semaines de congés payés et n'est revenu que le 7 février 1991 ;
que, cependant, par lettre du 15 janvier 1991, M. X... lui notifiait que son absence injustifiée lui imposait de le considérer comme démissionnaire et de le remplacer dans son emploi ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la rupture s'analysait en un licenciement et que l'employeur, s'étant initialement prévalu d'une démission, ne pouvait se fonder ultérieurement sur un licenciement, et que celui-ci revêtait un caractère abusif ;
Attendu, cependant, que la lettre de rupture fixe les limites du litige quant aux faits qu'elle énonce et qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ;
qu'en l'espèce, la lettre de rupture du 15 janvier 1991, loin de se borner à prendre acte d'une démission, comportait l'énoncé de griefs contre le salarié, dont il appartenait au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux ;
qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans celles de ses dispositions condamnant l'employeur à payer aux salariés une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 18 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Nîmes, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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