AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Francis X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 25 octobre 1993 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), au profit de M. Jean-Yves Y..., ès qualités de liquidateur amiable de la société à responsabilité limitée
Y...
et fils, demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juillet 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Carmet, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... embauché comme charpentier par la société Y... et fils a été licencié le 28 septembre 1990 pour motif économique alors qu'il se trouvait en arrêt de travail à la suite d'un accident de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminé d'un salarié victime d'un accident du travail au cours des périodes de suspension que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident de maintenir ledit contrat ;
qu'en l'espèce l'arrêt attaqué a relevé qu'il y a bien eu licenciement pour cause économique ;
qu'en se bornant à relever que l'employeur était dès lors dans l'incapacité de maintenir le contrat de travail de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-2 du Code du travail ;
Mais attendu que si l'existence d'une cause économique de licenciement ne constitue pas nécessairement une impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié victime d'un accident de travail, la cour d'appel a, en l'espèce, retenu que l'activité de l'employeur avait été entièrement interrompue et qu'elle a ainsi caractérisé l'impossiblité de maintenir le contrat au sens de l'article L. 122-32-2 du Code du travail ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que, le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité pour défaut de proposition d'une convention de conversion au motif qu'il n'en a pas subi de préjudice, alors, selon le moyen, que la méconnaissance par la société de proposer à chaque salarié le bénéfice d'une convention de conversion n'est pas sanctionnée dans les conditions prévues par l'article L. 122-14-4 et rend l'employeur responsable du préjudice qui en résulte nécessairement ;
que, pour débouter M. X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour défaut de proposition d'une convention de conversion, la cour d'appel a énoncé que l'intéressé doit, pour obtenir des dommages-intérêts de ce chef, justifier du préjudice subi par lui et que celui-ci ne prouve pas son préjudice ;
qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 321-5 du Code du travail ;
Mais attendu d'abord que l'allocation de dommages-intérêts au salarié licencié pour motif économique auquel l'employeur a, en méconnaissance de son obligation légale, omis de proposer une convention de conversion, implique que l'intéressé établisse l'existence d'un préjudice résultant de cette irrégularité ;
Et attendu ensuite que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que le salarié n'avait pas subi de préjudice ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 122-14 et L. 122-14-5 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'absence d'entretien préalable à son licenciement, l'arrêt a énoncé que l'entreprise occupait sept salariés seulement et que les dispositions de l'article L. 122-14 n'étaient pas applicables ;
Qu'en statuant ainsi alors que tous les salariés, quels que soient le motif de leur licenciement et la taille de l'entreprise, ont droit à un entretien préalable à la seule exception de ceux compris dans un licenciement économique de dix ou de plus de dix salariés intervenant dans une entreprise où il existe un comité d'entreprise ou de délégué du personnel ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 25 octobre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Nancy, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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