AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sofaris, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 novembre 1993 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :
1 / de la société CCM Sulzer, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la société Cardys équipement, société anonyme, dont le siège est ...,
3 / de la société Générale de crédit et de banque, société anonyme, dont le siège est ...,
4 / de la société Neuflize-Schlumberger-Mallet, société anonyme, dont le siège est ...,
5 / de la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique, dont le siège est ...,
6 / du Crédit lyonnais, dont le siège est ...,
7 / de la Banque Worms, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
La Caisse mutuelle de garantie de la mécanique, la société Générale de crédit et de banques ainsi que le Crédit lyonnais ont formé, chacun, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La société Sofaris, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La Caisse mutuelle de garantie de la mécanique, la société Générale de crédit et de banques et le Crédit lyonnais, demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leurs recours, les moyens uniques de cassation également annexés au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de Me Boullez, avocat de la société Sofaris et de la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique, de la SCP Delaporte et Briard, avocat des sociétés CCM Sulzer et Cardys équipement, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Générale de crédit et de banque, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit lyonnais, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 18 novembre 1993), qu'en exécution du contrat conclu entre la société Cardys et la société Guangshou Peugeot Automobile CY (société GPAC) pour la fourniture d'un atelier de traitement de surface et de mise en peinture de carrosseries automobiles, la première société a présenté à la seconde, le 25 août 1987, la garantie à première demande de la Société générale de crédit et de banque (la Société générale) pour une certaine somme ; que cette dernière a obtenu, à son profit, la contre-garantie de la société anonyme Sofaris (la Sofaris), de la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique (la Caisse), de la société anonyme Le Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais) et d'autres banques, dans diverses proportions ;
qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Cardys, le 10 mai 1988, la société GPAC a notifié à la Société générale, le 30 juillet 1988, sa décision de mettre en jeu la garantie pour la totalité de son montant ;
que la Société générale a exécuté son obligation le 28 octobre 1988 tandis que la Sofaris, le Crédit lyonnais et la Caisse ont versé à la Société générale leur quote-part ;
que le 23 août 1988, le Tribunal a adopté le plan de redressement de la société Cardys par une cession à la société Cardys équipement, société filiale à créer, de la société CCM Sulzer ;
que l'acte de cession du fonds de commerce et des éléments incorporels, comprenant en particulier la reprise du contrat passé entre les sociétés Cardys et GPAC, a été signé avec la société Cardys équipement le 23 novembre 1988 ;
que toutefois, par un accord du 4 juillet 1989, les sociétés Cardys équipement et GPAC ont convenu de résilier le contrat qui les liait, à compter du 28 septembre 1988 ;
que la Sofaris a demandé à la société CCM Sulzer et à la société Cardys équipement le remboursement de la somme qu'elle avait dû payer pour honorer sa garantie et a appelé dans la cause la Société générale, le Crédit lyonnais et la Caisse qui se sont associés à cette demande ;
que devant la cour d'appel, la Sofaris, la Société générale et la Caisse ont soutenu que le cessionnaire s'était obligé à continuer les contrats figurant en annexe de sa proposition et qu'il devait, en raison de l'exécution provisoire, assumer la gestion de la société Cardys, et notamment, poursuivre le marché avec la société GPAC, dont l'urgence lui était connue, cette abstention étant à l'origine de la mise en oeuvre de leur garantie dès lors qu'il avait été convenu avec la société GPAC que cette garantie ne serait pas appelée si le marché était repris par la société CCM Sulzer ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident formé par le Crédit lyonnais, qui est préalable :
Attendu que le Crédit lyonnais reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des dispositions des articles 62 et 64, 1er alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 que le repreneur est tenu d'exécuter le plan de cession et les contrats dont ce plan prévoit la reprise ;
que les dispositions du plan de cession sont opposables à tous ; qu'ainsi, ayant constaté que la reprise des contrats avec la société GPAC figurait au nombre des dispositions arrêtées par le Tribunal dans son jugement du 23 août 1988, puis que ces contrats avaient été résiliés par un protocole du 4 juillet 1989, la cour d'appel n'a pu décharger de toute responsabilité le repreneur négligent, la société CCM Sulzer, en considérant que ces contrats n'étaient pas de ceux dont la reprise s'impose au regard de l'article 86 de la loi, sans violer l'autorité absolue attachée au jugement du 23 août 988 qui avait arrêté le plan de cession ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le jugement du 23 août 1988 avait ordonné la "reprise des contrats à l'annexe 5 de la proposition du repreneur", l'arrêt relève que le Tribunal avait envisagé la possibilité de renégocier ces contrats puisqu'il n'avait pas ordonné leur cession mais leur reprise ;
qu'en retenant que le contrat litigieux n'avait pas été cédé dans les conditions de l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a respecté l'autorité absolue du jugement de cession qui avait préféré la société CCM Sulzer à un autre repreneur au motif que cette société aurait la possibilité de renégocier les contrats automobiles ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la Sofaris, le premier moyen du pourvoi incident formé par la Société générale, le premier moyen du pourvoi incident formé par le Crédit lyonnais, et le moyen unique du pourvoi incident formé par la Caisse, pris en leurs deux branches et réunis :
Attendu que la Sofaris, la Société générale, le Crédit lyonnais et la Caisse reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que par jugement du 23 août 1988, le Tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de la société Cardys en homologuant l'offre présentée par la société CCM Sulzer, laquelle comportait la reprise des contrats conclus avec la société GPAC ;
que la cour d'appel, qui a pris acte de la résiliation de ces contrats par un protocole du 4 juillet 1989 sans constater que le repreneur avait, conformément à ses déclarations homologuées par le jugement arrêtant le plan, normalement exécuté ces contrats jusqu'à cette date et qui en a déduit l'absence de faute de celui-ci, a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
et alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui a considéré qu'il ne pouvait être reproché à la société Cardys équipement et à la société CCM Sulzer de n'avoir pas pris en mains la gestion de la société Cardys entre le jugement du 23 août 1988 et la régularisation de l'acte de cession parce que ledit jugement ne comportait aucune disposition relative à la gestion de cette société pendant cette période, a dénaturé ce jugement qui avait expressément fixé l'entrée en jouissance du cessionnaire à la date de son prononcé ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que le contrat avec la société GPAC n'était pas un contrat de fourniture de biens ou de services nécessaire au maintien de l'activité tel que défini par l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt relève que le jugement arrêtant le plan, qui avait envisagé la possibilité de renégocier certains contrats, n'avait pas emporté cession des contrats en cause mais uniquement leur reprise ; qu'ainsi, la cour d'appel a pu en déduire que la société Cardys équipement et son garant la société CCM Sulzer n'avaient commis aucune faute en procédant, par un accord amiable avec la société GPAC, à la résiliation du contrat de fourniture de l'atelier de traitement de surface et de mise en peinture de carrosseries automobiles ;
que par ces seuls motifs l'arrêt se trouve justifié, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief inopérant de la seconde branche ;
d'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident formé par le Crédit lyonnais, pris en ses deuxième et troisième branches, et le deuxième moyen du pourvoi incident formé par la Société générale, pris en ses quatre branches, réunis :
Attendu que le Crédit lyonnais et la Société générale reprochent enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait et articulent les différents griefs, reproduits en annexe, qui sont pris d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, de la déna- turation du jugement du 23 août 1988, d'une violation de l'article 155, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985, d'un défaut de réponse à conclusions, d'une méconnaissance des termes du litige en violation l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et de la violation de l'article 1134 du Code civil, par dénaturation d'un télex du 25 octobre 1988 ;
Mais attendu que l'arrêt ayant constaté que le contrat avec la société GPAC pouvait être résilié par un accord amiable entre les parties et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux sociétés Cardys équipement et CCM Sulzer, les griefs tirés du défaut d'exécution de ce contrat, des modalités de la prise d'effet de la gestion du cessionnaire ou du lien de causalité entre le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Cardys et la mise en jeu de la garantie à première demande n'étaient pas de nature à influer sur la solution du litige ;
que, dès lors, les moyens, inopérants, fondés sur de tels griefs ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sofaris, la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique, la Société générale de crédit et de banques et le Crédit lyonnais, envers les société CCM Sulzer, Cardys équipement, Neuflize-Mallet-Schlumberter et la banque Worms, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1860