REJET des pourvois formés par :
- X... Bernard,
- le Collège National des Chirurgiens français,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 1993, qui dans la procédure suivie contre Christian Y..., René Z..., Marguerite A... épouse B..., Claudine C... et Jean-François D..., du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité, a constaté la prescription des actions publique et civile à l'égard de René Z... et Claudine C..., renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, déclaré irrecevable la constitution de partie civile du Collège National des Chirurgiens français, et débouté Bernard X...
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 21 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et les mémoires en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 35 bis et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Mme B... et M. Y... du chef de diffamation à l'encontre d'un particulier et, en conséquence, débouté le docteur X... de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'infraction ;
" aux motifs que le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre d'une personne porte atteinte à l'honneur et à la considération de celle-ci ; que la décision du 12 février 1992 n'était pas définitive et que sa publication sous la rubrique " annonces légales " le faisait croire ; que toutefois, la preuve du défaut de l'élément intentionnel, pour Mme B... et pour M. Y..., résulte des circonstances suivantes : la CPAM a demandé à l'agence Havas de faire une publication invoquant, d'une part, l'existence d'un texte légal et, d'autre part, une décision disciplinaire dont la réalité n'est pas contestée ; que rien ne permettait à ces directeurs de publication de se douter d'une difficulté quelconque ; qu'il faut en effet préciser qu'un important échange de courrier a eu lieu entre, d'une part la CPAM de la Haute-Vienne et d'autre part, un avocat au conseil d'Etat et à la Cour de Cassation et la section des assurances sociales informée de la position du conseil d'Etat, ces différents juristes n'étant pas d'accord sur le point de savoir si la décision disciplinaire du 12 février 1992 était exécutoire ou non ; que les directeurs de la publication étaient bien sûr incapables de résoudre ce problème et ne pouvaient pas se douter de son existence ; qu'en déférant à la réquisition de la CPAM de la Haute-Vienne, ils ont agi de bonne foi et sans faire preuve de désinvolture et de légèreté (arrêt p. 7) ;
" alors que, le directeur de la publication étant pénalement responsable, comme auteur principal, de tous les délits commis par la voie du journal qu'il dirige, en conséquence du devoir de vérification et de surveillance qu'il tient de ses fonctions, les juges du fond n'ont pas à apprécier, en sa personne, l'existence de la bonne ou mauvaise foi, dès lors que le caractère délictueux de l'écrit publié est démontré ; qu'en l'espèce, sans combattre la présomption de mauvaise foi pesant sur Mme C..., auteur des écrits litigieux, la cour d'appel, qui relaxe les directeurs de publication s'est déterminée par la seule circonstance que ceux-ci auraient agi de bonne foi à la réquisition de la CPAM de la Haute-Vienne ;
" qu'en statuant ainsi, tout en relevant le caractère diffamatoire des écrits litigieux, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que par exploits du 6 janvier 1993, Bernard X..., docteur en médecine, et le collège national des chirurgiens français ont attrait directement devant la juridiction correctionnelle Christian Y..., directeur de la publication du journal quotidien L'Echo du Centre, René Z..., directeur de la publication du journal Le Populaire du Centre, Marguerite B..., directeur de la publication du journal La Montagne, Claudine C..., directrice de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, Jean-François D..., président de cet organisme, sous la prévention de diffamation publique envers un particulier et complicité de ce délit ; que la citation a incriminé la publication d'une annonce légale ainsi libellée :
" La section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins a infligé à M. le docteur Bernard X..., chirurgien orthopédiste, la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de trois mois allant du 1er septembre 1992 inclus au 30 novembre 1992 inclus " ;
Attendu que par actes du 15 janvier 1993, les prévenus Christian Y..., René Z..., Marguerite B... ont fait signifier aux parties civiles et au ministère public les documents par lesquels ils entendaient faire la preuve de " la vérité de l'annonce " et des faits qui y étaient articulés ;
Attendu qu'après avoir, à bon droit, constaté l'irrecevabilité de l'action civile du Collège National des Chirurgiens français, qui n'était pas visé par l'annonce incriminée, et relevé que l'imputation d'une sanction disciplinaire portait atteinte à l'honneur et à la considération de la personne concernée, l'arrêt énonce que la publication de l'annonce litigieuse a été faite sur une réquisition de Claudine C... à l'agence Havas, visant l'article L 145-2 du Code de la sécurité sociale ; que selon ce texte, les sanctions prononcées par le conseil régional et par la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins doivent, au moins lorsqu'il s'agit d'une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux, faire l'objet, quand elles sont devenues définitives, d'une publication par les soins des organismes de la sécurité sociale ; que l'arrêt observe que si la décision disciplinaire n'était pas définitive, les directeurs de la publication des journaux ne pouvaient se douter d'une difficulté quelconque sur son exécution ;
Attendu qu'en admettant dans ces conditions l'absence de culpabilité des auteurs principaux de la publication, la décision attaquée, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen sur l'admission de la bonne foi, se trouve justifiée, dès lors que le directeur de la publication d'un journal ne saurait encourir aucune responsabilité du fait de l'insertion d'une annonce dont il ne peut légalement se dispenser ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.