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17/10/1995 | FRANCE | N°93-20080

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 octobre 1995, 93-20080


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mlle Sabine X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 27 septembre 1993 par le tribunal de grande instance de Strasbourg (1re chambre civile), au profit de M. le directeur général des Impôts, poursuites et diligences de M. le directeur régional des Impôts d'Alsace, demeurant ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent

arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'o...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mlle Sabine X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 27 septembre 1993 par le tribunal de grande instance de Strasbourg (1re chambre civile), au profit de M. le directeur général des Impôts, poursuites et diligences de M. le directeur régional des Impôts d'Alsace, demeurant ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 juillet 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mlle X..., de Me Goutet, avocat de M. le directeur général des Impôts, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Strasbourg, 27 septembre 1993 ) que, par deux actes notariés en date des 10 octobre 1987 et 3 janvier 1990, Mlle X... a acheté l'usufruit de deux appartements et que, selon les mentions portées dans les actes, corroborées par les reconnaissances de dette y annexées, les fonds représentant tout ou partie du prix lui ont été prêtés par un ami ;

que l'administration des Impôts a considéré que, le prix des deux achats ayant été donné, et non prêté à Mlle X..., les acquisitions immobilières dissimulaient des donations et a en conséquence procédé à un redressement pour dissimulation ;

que Mlle X... a fait opposition aux avis de mise en recouvrement en résultant et que le Tribunal a rejeté sa demande ;

Attendu que Mlle X... reproche au jugement d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que, lorsqu'elle use des pouvoirs qu'elle tient de l'article L.64 du livre des procédures fiscales dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, l'administration des Impôts doit, pour pouvoir écarter comme lui étant inopposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes avaient un caractère fictif ou pouvaient être regardés comme ayant pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle ;

que les actes de prêts consentis à Mlle X... par M. Y... ont fait l'objet d'un acte authentique avec obligation pour l'emprunteuse de rembourser le prêteur et fourniture de garanties ;

que les prêts ne pouvaient donc être qualifiés de fictifs ; qu'en conséquence, seule l'existence de préoccupations exclusivement fiscales, que devait démontrer l'administration des Impôts, pouvait entraîner une requalification des actes sur le fondement de l'abus de droit ;

qu'il était cependant constant qu'en raison des liens affectifs qui unissaient Mlle X... à M. Y..., ce dernier a entendu, d'une part, assurer à Mlle X... une réelle garantie juridique en établissant, par le mécanisme de l'usufruit, tout en conservant pour lui la nue-propriété, la pérennité de l'installation de celle-ci dans l'immeuble et, d'autre part, sauvegarder les droits légitimes de ses propres héritiers ou ayants droit, qui ne seront aucunement lésés grâce au mécanisme utilisé, acquisition séparée de l'usufruit et de la nue-propriété ;

que cette double préoccupation, exclusive de toute visée fiscale, a permis de consolider la situation non-maritale de Mlle X... et de M. Y..., sans altérer les droits patrimoniaux du prêteur ;

d'où il suit, dès lors que les actes nétaient aucunement fictifs et qu'aucune préoccupation fiscale n'animait les parties, qu'en jugeant pourtant que les prêts consentis par M. Y... à Mlle X... constituaient des donations déguisées constitutives d'un abus de droit, le Tribunal a violé l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, que Mlle X... avait produit des pièces établissant sans contestation possible la réalité des prêts : il s'agissait de chèques et de quittances prouvant qu'elle remboursait effectivement les emprunts ; que ces pièces étaient déterminantes puisque la réalité des prêts était contestée par l'administration des Impôts, qui prétendait voir dans les actes litigieux des donation déguisées ;

que, cependant, le Tribunal les a rejetées en se bornant à affirmer "que Mlle X... n'a pas justifié réellement de remboursements, les pièces produites n'étant pas probantes (photocopies de chèques et de quittances)" ;

que, s'il appartient bien aux juges du fond d'apprécier souverainement les éléments de preuve produits, ils ne peuvent cependant, surtout lorsqu'ils sont aussi déterminants, les écarter sans même les analyser au moins sommairement, et sans dire pourquoi ils les estiment non probants ;

d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, le Tribunal a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, enfin, qu'en écartant lesdites pièces par le motif précité en raison de leur caractère non probant, le Tribunal a inversé la charge de la preuve qui incombait à l'Administration dès lors que le comité consultatif des abus de droit n'avait pas été saisi et a ainsi violé ensemble les articles 1315 du Code civil et L. 64 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que la circonstance que les prêts allégués aient été mentionnés sur un acte authentique ne suffit pas à en établir la réalité ;

que cette circonstance est donc insuffisante à écarter le fondement de l'abus de droit tiré de la fictivité de l'acte apparent ;

Attendu, d'autre part, qu'en énonçant que les pièces produites par l'intéressée se composaient seulement de photocopies, le Tribunal a dit pourquoi il les écartait, comme non probantes et a motivé ainsi sa décision ;

Attendu, enfin, que le Tribunal, ayant relevé un certain nombre d'éléments de fait qu'il estimait constitutifs de présomptions de dissimulation d'une donation, a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que Mlle X... n'établissait aucun fait de nature à contredire lesdites présomptions ;

Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mlle X..., envers M. le directeur général des Impôts, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

1754


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-20080
Date de la décision : 17/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg (1re chambre civile), 27 septembre 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 oct. 1995, pourvoi n°93-20080


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.20080
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