AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Sylvie X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 décembre 1991 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale), au profit de la société Coopérative de Banque populaire de Lorraine, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 juin 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Brissier, conseillers, M. Martin, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Girard-Thuilier, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... engagée, le 1er août 1969, par la Banque populaire de Lorraine (BPL) en qualité d'employée (affectée au service de contrôle d'ouverture des comptes), a été licenciée pour faute grave le 10 avril 1989 ;
Attendu que la salariée reproche à l'arrêt attaqué (Metz, 9 décembre 1991) d'avoir décidé que le licenciement procédait d'une faute grave, alors que, selon le moyen, d'une part la faute d'un salarié ne peut être constituée que par son fait personnel, et qu'un salarié ne peut se voir imputer une faute grave résultant exclusivement du comportement d'un tiers, fût-il son mari ;
qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le grief essentiel fait par l'employeur à Mme X..., et qualifié de faute grave, était le comportement agressif de son mari à l'égard de l'employeur de sa femme, sa campagne de "diffamation", et ses interventions tant épistolaires que verbales ;
que, dès lors, que la cour d'appel reconnaît expressément que Mme X... n'a pas participé personnellement à ces agissements, ceux-ci ne pouvaient, isolément ou rapprochés d'autres faits, lui être imputés à faute, encore moins à faute grave, ni constituer légalement une cause de son établissement ;
que l'arrêt attaqué a ainsi violé les articles L. 122-14-4 et L. 122-6 du Code du travail ;
alors, d'autre part, que le simple fait pour le salarié d'une banque d'avoir son compte au sein de la banque en position débitrice n'est pas incompatible avec le maintien du contrat de travail fût-ce pendant la durée limitée du préavis et n'est pas constitutif d'une faute grave ;
que le seul fait personnel reproché à Mme X... était la position débitrice de son compte et le caractère "particulièrement obéré de ses finances" que l'employeur pouvait ne plus vouloir tolérer ;
qu'il s'en déduit que la cour d'appel a retenu à l'encontre de la salariée un fait étranger à l'exécution du contrat de travail et sans incidence sur celui-ci (une situation financière obérée) insusceptible de constituer légalement une cause de licenciement ;
que ce fait n'était pas constitutif d'une faute grave ;
qu'en toute hypothèse, l'employeur ayant "longtemps toléré la situation débitrice du compte, en faisant preuve de "patience et de tolérance", cette tolérance d'un fait parfaitement connu de lui excluait qu'il pût, au prétexte d'une faute grave, prononcer un licenciement immédiat ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé à nouveau les articles L. 122-14-4 et L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu que, les juges du fond, qui ont constaté la rébellion quasi-constante de la salariée à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques et le fonctionnement du compte personnel de la salariée contraire au règlement intérieur de l'entreprise, ont pu décider que le comportement de la salariée rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., envers la société Coopérative de Banque populaire de Lorraine, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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