Attendu qu'il résulte des énonciations des arrêts attaqués que, par contrat du 1er septembre 1979, la société André Avio (la société Avio) a donné en location aux époux X... deux métiers à broder ; que, pendant 10 ans, M. X... a travaillé à façon pour le compte de la société Avio, à l'aide de ces métiers et selon des prix convenus entre les parties ; qu'assigné en paiement de loyers par la société Avio M. X... a demandé reconventionnellement le paiement d'une somme correspondant à la différence entre les sommes qu'il aurait dû percevoir pour ses prestations, par application du barème légal, et celles qu'il avait effectivement perçues de la société Avio ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 8 de la loi du 26 juillet 1957 modifiant le statut des travailleurs à domicile ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, lorsqu'un artisan ou travailleur indépendant travaille à façon pour un donneur d'ouvrage, le prix ne peut être inférieur au tarif fixé pour les travailleurs à domicile tel qu'il est défini par l'article L. 721-9 du Code du travail, majoré des charges sociales et fiscales et de l'amortissement normal des moyens de production ;
Attendu que, pour rejeter la demande reconventionnelle de M. X..., l'arrêt retient que l'application du texte susvisé, qui impose un prix minimum majoré de l'amortissement du matériel, ne peut se concevoir en l'espèce, les métiers étant la propriété du donneur d'ouvrage ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la référence à l'amortissement normal des moyens de production, en tant qu'élément de calcul théorique de la rémunération minimale due au travailleur à façon par le donneur d'ouvrage, dès lors que celui-ci ne met pas gracieusement ces moyens à la disposition du façonnier, ne faisait nullement de la propriété du matériel par ce dernier une condition d'application du texte susvisé, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu l'article 8 de la loi du 26 juillet 1957, ensemble l'article 6 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que le premier de ces textes est d'ordre public, retient encore qu'il est d'usage dans la branche " broderie " que les rapports entre chargeurs et artisans façonniers soient régis sur la base d'accords de gré à gré et que, de surcroît, M. X... a exécuté pendant 10 ans les travaux qui lui étaient confiés pour un prix qu'il n'a jamais contesté ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne peut être dérogé, ni par voie d'usage ni par des conventions particulières, aux règles qui intéressent l'ordre public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant à bénéficier du barème légal pour le calcul de la rémunération du travail à façon par lui exécuté pour le compte de la société Avio, les arrêts rendus les 31 octobre 1991 et 2 juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit rendu le 31 octobre 1991.