AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Jules Roy, société anonyme, dont le siège est "Les Mercuriales", ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 février 1990 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit :
1 / de la Caisse interprofessionnelle de retraites par répartition du Sud-Est (CIRRSE), dont le siège est .... 229, 13271 Marseille Cedex 08,
2 / de la société La Paternelle Vie, société anonyme, dont le siège est ..., 3 / de M. Mohamed X..., demeurant ..., immeuble Dorade, appartement 4, 76000 Rouen, défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 juin 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, M. Merlin, conseillers, Mlle Sant, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Desjardins, les observations de la SCP Delaporte et Briard,, avocat de la société Jules Roy, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société La Paternelle Vie, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la déchéance du pourvoi dirigé contre la CIRRSE et la société La Paternelle-Vie :
Attendu que la déclaration de pourvoi de la société Jules Roy est dirigée contre M. X..., mais aussi contre la CIRRSE et la société La Paternelle-Vie ; que le mémoire déposé par la société Jules Roy, qui vise uniquement M. X..., ne contient aucun moyen tendant à critiquer la mise hors de cause prononcée par les juges du fond à l'égard de la CIRRSE et de la société La Paternelle-Vie ;
que la déchéance est encourue, en tant que le pourvoi est dirigé contre ces deux parties ;
Sur le moyen unique du pourvoi dirigé contre M. X... :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 14 février 1990), que M. X... a été engagé en 1975 en qualité de manutentionnaire par la société Jules Roy, qui a adhéré en 1977 au régime de prévoyance organisé, avec le concours de la société La Paternelle-Vie, qui en supportait le risque, par la Caisse interprofessionnelle de retraites par répartition du Sud-Est (CIRRSE), afin d'assurer à ses salariés un complément aux indemnités journalières versées par la sécurité sociale ;
que, mis en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 novembre 1981, il a été licencié pour inaptitude physique par une lettre du 28 septembre 1982, dans laquelle il lui était précisé qu'il continuerait à bénéficier des avantages du régime de prévoyance jusqu'à la fin de sa maladie ;
que la société Jules Roy a adressé la déclaration de maladie à la CIRRSE le 21 juin 1982 seulement, soit plus de six mois après le début de l'arrêt de travail ;
que la société La Paternelle-Vie a refusé de verser toute prestation à l'intéressé, au motif que la résiliation de la convention souscrite par la société Jules Roy avait pris effet le 1er janvier 1982 ;
que M. X... a engagé une action en paiement de diverses sommes à titre de complément de salaires et de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Jules Roy fait grief à l'arrêt, qui a mis hors de cause la CIRSSE et la société La Paternelle-Vie, de l'avoir condamnée à payer à son ancien salarié les compléments de salaires exigibles d'août 1983 à août 1988, ainsi que ceux échus et à échoir depuis août 1988 jusqu'à la fin de sa maladie, alors, selon le moyen, en premier lieu, que l'article 7, alinéa 2, de la convention n 553607 du 1er janvier 1972, conclue entre la société La Paternelle-Vie et la CIRRSE, stipulait expressément qu'en cas de dénonciation de la convention, les assureurs étaient tenus d'accorder ou de maintenir le service des prestations aux personnes qui, au jour de la dénonciation, se trouvent "en état d'incapacité de travail" ;
que l'article 26 de la convention, intitulé "déclaration, contrôle, expertise", stipulait que l'employeur de l'assuré qui a cessé le travail pour cause de maladie ou d'accident pouvant ouvrir droit aux prestations de l'assurance en cas d'incapacité de travail, doit en faire la déclaration aux assureurs au plus tard à l'époque à partir de laquelle les prestations doivent être servies, et qu'en cas de déclaration tardive ou faite plus de six mois après la dernière cessation du travail, les assureurs considéreront que l'incapacité a débuté au jour de la déclaration ;
qu'il résulte clairement de la combinaison de ces deux articles que l'"état d'incapacité de travail" ouvrait droit au bénéfice des prestations, mais que celles-ci ne seraient versées, en cas de déclaration tardive ou faite plus de six mois après la cessation du travail, qu'à compter de la déclaration ;
qu'en l'espèce, les droits de M. X... étaient donc acquis dès le 25 novembre 1981, soit avant la dénonciation du contrat le 1er janvier 1982, qu'en estimant cependant que c'était à bon droit que la société La Paternelle-Vie avait considéré que le sinistre ayant été déclaré plus de six mois après sa survenance, l'incapacité devait être considérée comme ayant commencé le jour de la déclaration, soit le 21 juin 1982, à une date où la convention se trouvait être résiliée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 7 et 26 de la convention d'assurance susmentionnée et a violé l'article 1134 du Code civil ;
et alors, en deuxième lieu, que, dans ses conclusions d'appel, la société Jules Roy faisait valoir que la déclaration de maladie du salarié six mois après la cessation de son activité avait pour seul effet de retarder le point de départ de l'indemnisation au jour de la déclaration, mais n'avait pas pour effet d'entraîner la déchéance des droits du salarié, et qu'en l'espèce, les droits à indemnisation de M. X... étaient acquis à la survenance du sinistre, le 25 novembre 1981, soit avant la dénonciation du contrat d'assurance au 1er janvier 1982, qu'il en résultait que la déclaration du sinistre par la société Jules Roy plus de six mois après sa survenance, n'avait pu être de nature à priver M. X... de ses droits et ne pouvait entraîner la responsabilité de la société Jules Roy ;
qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des conclusions d' appel de la société Jules Roy, qui, s'il avait été accueilli, aurait modifié l'issue du litige, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la maladie du salarié n'avait été déclarée que le 21 juin 1982, soit plus de six mois après qu'il eût cessé son travail, la cour d'appel, faisant application, sans les dénaturer, des dispositions de l'article 26 de la convention d'assurance de groupe, fixant les modalités du régime de prévoyance, a exactement retenu que la maladie devait être considérée comme ayant débuté le jour de la déclaration, soit le 21 juin 1982 seulement, date de l'ouverture des droits de l'intéressé au bénéfice des prestations mais à laquelle la convention d'assurances se trouvait résiliée ;
qu'elle en a justement déduit que, faute par son employeur d'avoir effectué la déclaration qu'il lui incombait de faire dans le délai prescrit, M. X... avait été privé de ses droits ;
qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
Constate la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la CIRRSE et contre la société La Paternelle-Vie ;
REJETTE le pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre M. X... ;
Condamne la société Jules Roy, envers la Caisse interprofessionnelle de retraites par répartition du Sud-Est(CIRRSE), de la société La Paternelle Vie et M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Waquet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de M. le président Kuhnmunch, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en son audience publique du dix octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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