AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Caroline X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 1er avril 1993 par la cour d'appel de Paris (16e chambre, section B), au profit de la société Sierac, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juillet 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Chollet, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, M. Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Chollet, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme X..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Sierac, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 1993), que la Société internationale de réalisations d'art contemporain (SIERAC), propriétaire de locaux à usage commercial, a, le 16 juillet 1985, fait délivrer à Mme X..., locataire, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail ;
qu'une ordonnance de référé ayant suspendu les effets de cette clause, un arrêt du 12 février 1991, statuant en référé sur l'action de la bailleresse fondée sur le non-respect des conditions fixées par cette ordonnance, a déclaré acquise la clause résolutoire ;
qu'invoquant l'homologation, par un jugement du 31 octobre 1989, d'un rapport d'expertise constatant que des charges indues auraient été réglées, Mme X... a demandé au juge du fond de constater qu'en application de la suspension des effets de la clause résolutoire ordonnée en référé, le bénéfice de cette clause n'était pas acquis à la bailleresse ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter cette prétention, alors, selon le moyen, "1 ) que la clause résolutoire ne peut être acquise que pour une cause énoncée dans le commandement ;
qu'il résulte du commandement du 16 juillet 1985 et de l'ordonnance du 19 septembre 1985 que le loyer de septembre 1985 n'était pas compris dans le commandement ;
qu'en retenant le défaut de paiement de ce loyer au 1er septembre 1985 pour déclarer acquise la clause résolutoire, l'arrêt attaqué a violé l'article 1184 du Code civil, 2 ) que ce qui a été jugé par le juge des référés ne s'impose pas au juge du fond ;
que, saisi de la question de l'acquisition de la clause résolutoire, ce dernier ne peut s'abstenir d'examiner les éléments nouveaux révélés depuis la décision de référé et de nature à modifier la solution du litige ;
qu'en se bornant, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, à dire que la locataire n'aurait pas respecté le délai de paiement fixé par l'ordonnance de référé, sans vérifier si ces paiements et notamment celui du solde, seul non payé à la date fixée, étaient dus dès lors que le bailleur avait, depuis deux ans déjà avant le commandement, réclamé et reçu des charges indues, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 1184 du Code civil, 3 ) qu'en se fondant sur le moyen de l'adversaire, tiré de ce que la locataire n'avait encore introduit aucune contestation au fond sur les sommes réclamées lors de la date prévue pour le dernier règlement, présenté dans une note en délibéré et donc non soumis au débat contradictoire, l'arrêt attaqué a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) qu'au surplus, ce moyen, repris d'un motif invoqué dans l'instance en référé, ne pouvait justifier la résiliation dans l'instance au fond alors qu'il avait été établi que le bailleur avait réclamé des sommes indues et qu'il appartenait au juge du fond de ne pas constater l'acquisition de la clause résolutoire sans vérifier si, compte tenu des sommes indues perçues par le bailleur antérieurement, les causes du commandement étaient réellement dues ;
qu'ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 1184 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant, par référence à l'exposé de la procédure contenue dans le jugement, relevé, sans s'estimer liée par l'arrêt du 12 février 1991, que l'ordonnance de référé du 19 septembre 1985 avait décidé que Mme X... devait régler les causes du commandement, outre le paiement des loyers courants, la cour d'appel, qui, ayant constaté que le rapport d'expertise n'établissait pas le paiement par la locataire de charges indues, a souverainement retenu que celle-ci avait, en violation des dispositions de cette ordonnance, payé le terme de septembre 1985 seulement le 3 octobre 1985 et que le solde de la dette n'avait été réglé que le 5 mars 1986 au lieu du 1er février 1986, a, par ces seuls motifs, et sans violer le principe de la contradiction, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... à payer à la société Sierac la somme de huit mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Mme X..., envers la société Sierac, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1919