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03/10/1995 | FRANCE | N°93-20841

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 octobre 1995, 93-20841


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Jean-Jacques, Marcel, Justin A...,

2 / Mme Marie-Louise A... née X...
Z..., demeurant tous deux ... (Aude),

3 / Mme Jacqueline, Marie Y... veuve A..., demeurant ... (Meurthe-et-Moselle), venant aux droits de feu M. Marcel, Philippe Y... et de feue Lina, Catherine B..., son épouse, en cassation de deux arrêts rendus les 30 septembre 1992 et 8 septembre 1993 par la cour d'appel de Paris (15e chambre,

section A), au profit :

1 / du Crédit du Nord, dont le siège est ... (Nord) et le si...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Jean-Jacques, Marcel, Justin A...,

2 / Mme Marie-Louise A... née X...
Z..., demeurant tous deux ... (Aude),

3 / Mme Jacqueline, Marie Y... veuve A..., demeurant ... (Meurthe-et-Moselle), venant aux droits de feu M. Marcel, Philippe Y... et de feue Lina, Catherine B..., son épouse, en cassation de deux arrêts rendus les 30 septembre 1992 et 8 septembre 1993 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section A), au profit :

1 / du Crédit du Nord, dont le siège est ... (Nord) et le siège central ... (9ème),

2 / de l'Union de banques pour l'équipement (UBE), dont le siège est ... (8ème), défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 juin 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des consorts A..., de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit du Nord, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de l'UBE, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte aux consorts A... de leur désistement, en ce que leur pourvoi était formé contre l'arrêt avant-dire droit rendu le 30 septembre 1992 par la cour d'appel de Paris ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 1993), qu'après divers entretiens avec des préposés du Crédit du Nord, M. A... a acheté la majorité des actions de la société Aude Yachting ;

que pour financer cet achat, M. et Mme A... ont souscrit un emprunt auprès de l'Union de banques pour l'équipement (l'UBE), à laquelle le Crédit du Nord leur avait recommandé de s'adresser, et M. A... a souscrit une reconnaissance de dette avec le cautionnement de ses parents ;

que la situation comptable étant apparue avoir été falsifiée par l'ancien dirigeant de la société, la vente des actions a été annulée pour dol ;

que poursuivis par l'UBE en remboursement du prêt qui leur avait été consenti, M.

et Mme A..., ainsi que les cautions, ont demandé l'annulation du prêt, pour dol commis par cette banque, et engagé contre elle et le Crédit du Nord une action en responsabilité, pour avoir manqué à leurs obligations de conseil et d'investigation dans l'organisation d'un montage financier destiné à la reprise d'une entreprise que les banques savaient ruinée ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande formée contre le Crédit du Nord, alors, selon le pourvoi, d'une part, que conformément à l'article 1147 du Code civil, le banquier qui est chargé par son client du montage financier d'une opération de reprise d'entreprise est tenu d'exécuter tant un obligation d'investigation et d'information qu'une obligation de conseil, faute de quoi, sa responsabilité professionnelle est engagée s'il s'avère que l'entreprise n'était pas viable et que les prêts obtenus ne pouvaient pas être remboursés ; que la cour d'appel qui, dans son arrêt avant-dire droit a constaté que le Crédit du Nord avait contracté envers M. A... une obligation de faire devant aboutir soit à mettre en place un circuit financier de nature à atteindre le but envisagé eu égard à la lourdeur des charges en découlant et que le Crédit du Nord avait l'obligation d'exercer un contrôle critique des éléments comptables et autres mis à disposition mais qui a estimé, pour exclure toute faute imputable au Crédit du Nord dans l'exécution de la mission que lui avait confiée M. A... que la banque ne pouvait apprécier le sérieux du projet qu'en se référant aux documents qui lui seraient remis et que ceux-ci permettaient de penser qu'à la condition d'assurer une trésorerie suffisante à l'entreprise, celle-ci devait réussir à assurer sa rentabilité, a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée, faute d'avoir recherché si le Crédit du Nord avait mené les investigations nécessaires et avait notamment procédé aux analyses qu'elle avait énumérées dans son arrêt avant-dire droit ;

alors, d'autre part, qu'au regard de l'article 1147 du Code civil, il incombe au banquier de s'assurer de la rentabilité de l'opération pour laquelle il lui est demandé d'établir un montage financier et de vérifier que les emprunts envisagés pourront être remboursés ;

que la cour d'appel qui a constaté que les documents comptables établis avant la cession litigieuse révélaient la nécessité d'assurer une trésorerie suffisante à l'entreprise mais qui n'a pas retenu la faute du Crédit du Nord qui en accordant des crédits au cessionnaire alourdissait nécessairement la trésorerie de l'entreprise n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et a ainsi violé la disposition susvisée ; alors, en outre, que les consorts A... ayant, dans leurs conclusions, fait valoir qu'il résultait tant de la date de cessation des paiements que des constatations du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel qu'à la date de la cession, le Crédit du Nord, en sa qualité de professionnel, ne pouvait pas ignorer, par le seul examen des documents comptables que la société Aude Yachting ne dépendait, pour sa survie, que des découverts bancaires et d'un très important crédit fournisseur, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, débouter les consorts A... de leur action en responsabilité et s'abstenir de répondre à une argumentation d'où il s'évinçait que le Crédit du Nord avait manqué à son obligation de conseil et d'investigation ;

et alors, enfin, que la cour d'appel ayant, dans son arrêt avant-dire droit, demandé au Crédit du Nord de dire s'il avait procédé à une étude d'ensemble de la reprise de la société Aude Yachting, de préciser au vu de quels documents il avait accordé deux prêts successifs, s'il avait fait des ratios entre les éléments apparents d'actif, le chiffre d'affaires, les bénéfices, l'endettement à court terme de la société Aude Yachting et M. A... arriveraient à partir de l'activité professionnelle de cette société à payer les remboursements de prêts, elle ne pouvait, pour décider dans son arrêt du 8 septembre 1993 que le Crédit du Nord n'avait commis aucune faute, affirmer qu'il n'y avait pas lieu de procéder à un audit de l'entreprise, ce qui ne serait pas usuel et qui ne se justifierait pas en l'espèce ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a émis des exigences contradictoires quant aux diligences devant être accomplies par le Crédit du Nord a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a pu se décider sans se référer aux motifs de son premier arrêt avant-dire droit, celui-ci n'ayant pas autorité de chose jugée ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, en réponse aux conclusions invoquées au moyen, que la situation de la société Aude Yachting avait été analysée par la banque convenablement eu égard aux éléments d'information dont elle disposait, sans pouvoir se référer à d'autres éléments d'informations, en l'absence de relation directe avec l'entreprise, pas davantage qu'avec son ancien dirigeant, et que grâce à l'amélioration de la trésorerie de l'entreprise, à laquelle contribuaient les concours cités au moyen, le redressement de l'entreprise était sérieusement envisageable, la cour d'appel a pu en déduire, en justifiant sa décision, que la banque avait rempli les obligations de moyens lui incombant ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en annulation du prêt et en responsabilité formées contre l'UBE, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait, sans énoncer quelque motif que ce soit à l'appui de sa décision, rejeter la demande en annulation du prêt consenti aux consorts A... par l'UBE, demande dont elle avait, dans son arrêt avant dire droit, réservé l'examen afin de prendre en considération les réponses apportées par l'UBE aux questions précises qu'elle avait posées quant aux investigations préalables à l'obtention du prêt litigieux et relatives à la situation réelle de la société Aude Yachting ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, d'autre part, que dans des conditions restées sans réponse, les consorts A... ont fait valoir que le prêt qui leur a été consenti par l'UBE devait être annulé en raison des manoeuvres dolosives imputables à l'établissement de crédit ;

que celui-ci, ayant une connaissance parfaite de la situation obérée de la société Aude Yachting avait assorti les prêts octroyés de garanties et sûretés consenties à son profit exclusif et s'était abstenu d'informer les emprunteurs des risques encourus tandis qu'il ne consentait les prêts qu'en considération des hypothèques et cautions obtenues de ces derniers et de leur famille ;

qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il s'évinçait que l'UBE connaissait la situation obérée de la société cédée, s'était abstenue de la révéler au cessionnaire et avait pris, à son profit exclusif, des garanties qui supprimaient ses risques mais aggravait les engagements des consorts A..., la cour d'appel qui a néanmoins refusé d'annuler pour dol le prêt litigieux a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, enfin, que par application de l'article 1147 du Code civil, un établissement de crédit qui consent à un client un prêt est tenu tant d'une obligation d'investigation et d'information que d'une obligation de conseil ;

que la cour d'appel qui, pour dire exempt de faute le comportement de l'UBE à l'égard des consorts A... a relevé que les documents comptables qui lui avaient été communiqués avaient été approuvés par le commissaire aux comptes mais qui s'est abstenue de rechercher si l'UBE n'avait pas commis une faute engageant sa responsabilité en ne recherchant pas si l'activité professionnelle de 1a société Aude Yachting permettrait d'assurer le remboursement des prêts obtenus et s'il ne lui incombait pas de conseiller son client sur les risques encourus a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu qu'ayant retenu, d'abord, que les informations dont disposait l'UBE ne lui permettait pas de porter une appréciation négative sur la société Aude Yachting, ce dont elle a déduit que ne connaissant pas les risques encourus par le repreneur, il ne peut lui être reproché de s'être abstenue de les en informer, et, ensuite, que M. A... s'était entouré d'autres conseils diligents, la cour d'appel a, ainsi, répondu aux conclusions invoquant un dol par réticence et légalement justifié sa décision rejetant cette prétention, ainsi que celle relative aux prétendus manquements à l'obligation de conseil ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le Crédit du Nord et l'UBE sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation de deux sommes de 12 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les consorts A..., envers le Crédit du Nord et l'UBE, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

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Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-20841
Date de la décision : 03/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (15e chambre, section A) 1992-09-30 1993-09-08


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 oct. 1995, pourvoi n°93-20841


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.20841
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