AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept septembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Josephine, épouse Y...,
partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 28 juin 1994, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à informer sur sa plainte contre X... du chef de subornation de témoins ;
Vu l'article 575, alinéa 2,1 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 8 du Code de procédure pénale, ensemble méconnaissance du principe selon lequel une prescription ne peut courir lorsque la partie à qui on l'oppose était dans l'impossibilité d'agir, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et méconnaissance des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise constatant la prescription de l'action publique et refusant, en l'état de cette donnée, d'informer ;
"aux motifs que le délit de subornation de témoin est une infraction instantanée ;
que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge ;
que certes, la chambre criminelle a posé en principe que la prescription de l'action publique est nécessairement suspendue lorsqu'un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir, mais un obstacle de cette nature ne saurait être constitué par l'ignorance, par la partie civile, de la commission de l'infraction, en sorte que l'ordonnance frappée d'appel doit être confirmée ;
"alors que, d'une part, l'impossibilité pour une partie civile d'agir peut, dans certaines circonstances, justifier la suspension de la prescription de l'action publique, même en présence d'un délit instantané ;
qu'en jugeant péremptoirement le contraire en se référant à la jurisprudence de la chambre criminelle, la chambre d'accusation qui ne s'explique absolument pas sur le moyen circonstancié avancé par la plaignante, faisant valoir que jusqu'aux révélations d'une personne digne de foi et impartiale, elle ne pouvait disposer des éléments qui permettant de mettre en relief les éléments constitutifs du délit de subornation de témoins, la chambre d'accusation statue sur le fondement de motifs généraux et abstrais et partant méconnaît les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"et alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, non seulement un obstacle de droit peut justifier la suspension de la prescription de l'action publique, mais également une impossibilité de motifs lapidaires et inopérants, la Cour viole les textes et principes cités au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 19 novembre 1993, Joséphine X... a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de subornation de témoins à raison de faits qui se seraient produits "entre le mois d'octobre 1988 et le 12 octobre 1989" ;
que le juge d'instruction saisi de cette plainte a rendu une ordonnance de refus d'informer, fondée sur la prescription de l'action publique ;
que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance et écarter l'argumentation de l'appelante faisant valoir qu'elle n'avait eu connaissance des faits qu'en juin 1992 et qu'ainsi la prescription avait été suspendue jusqu'à cette date, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état les juges ont justifié leur décision ;
que, s'agissant d'un délit instantané, la prescription a commencé à courir dès le jour où ont été commis les actes incriminés ;
que, seul, un obstacle de droit survenu après la mise en mouvement de l'action publique et mettant la partie civile dans l'impossibilité d'agir est de nature à suspendre le délai de prescription de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Massé, Guerder, Fabre, Pinsseau, Mme Baillot, M. Joly conseillers de la chambre, M. Nivôse conseiller référendaire, M. Dintilhac avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;