AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel X..., demeurant ..., Le Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), en cassation d'un arrêt rendu le 14 septembre 1993 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit de Mme Isabelle Y..., demeurant ... (2e), ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Plissage broderie sérigraphie services (PBSS), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mai 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Pasturel, conseiller rapporteur, M. Edin, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Pasturel, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X..., les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 1993), qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société Plissage broderie sérigraphie services (la société), le Tribunal, par deux jugements respectivement en date des 23 et 30 novembre 1992, a prononcé la faillite personnelle, pour une durée de dix ans, de M. X..., gérant de cette société, puis a ouvert, à son égard, une procédure de redressement judiciaire sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 et prononcé sa liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 30 novembre 1992 alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le jugement de liquidation judiciaire ne peut être rendu sur le seul rapport prévu à l'article 13 du décret du 27 décembre 1985 ;
qu'il résulte des pièces de la procédure qu'en l'espèce, le juge-commissaire s'est borné à annexer à une note succincte le rapport de Mme Y..., de sorte que le Tribunal a statué au vu de celui-ci et que, dès lors, en ne répondant pas aux conclusions de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, que le Tribunal ne peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard du gérant d'une société, sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, que sur le rapport du juge-commissaire ;
que la cour d'appel, qui s'est exclusivement fondée sur le rapport établi par Mme Y..., mandataire-liquidateur, a violé l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 ;
et alors, enfin, que la liquidation judiciaire du dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire ne peut être prononcée sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 sans qu'une procédure de redressement judiciaire ait été préalablement ouverte à son encontre et que l'impossibilité de l'une ou de l'autre des solutions du redressement judiciaire prévues par l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 ait été constatée, à moins que la fictivité de la société dirigée ou la confusion du patrimoine de la personne morale avec celui de son dirigeant ait été constatée ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement ayant tout à la fois prononcé le redressement et la liquidation judiciaires de M. X..., gérant de la société, sans constater l'impossibilité de toute autre solution du redressement judiciaire ni la confusion du patrimoine de M. X... avec celui de la société ou la fictivité de cette dernière, en violation des dispositions susvisées ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, les juges du second degré, après avoir infirmé le jugement du chef du prononcé de la liquidation judiciaire, pouvaient d'office prononcer la liquidation judiciaire de M. X... ;
que, dès lors, le grief de la première branche est irrecevable faute d'intérêt ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que M. X... ait soutenu devant la cour d'appel l'argumentation nouvelle et mélangée de fait et de droit, des deuxième et troisième branches ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable en ses trois branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu, qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir prononcé contre M. X... une sanction de faillite personnelle pour une durée de dix années, alors, selon le pourvoi, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ;
qu'il résulte de la citation à comparaître délivrée à M. X..., à laquelle était annexé le rapport du juge-commissaire qui a siégé comme président du Tribunal, que celui-ci tenait pour établi le comportement fautif à ses yeux de la personne visée, ce qui pouvait apparemmment laisser penser que le président de la juridiction de jugement ne disposait pas de l'impartialité objective du juge ;
qu'en confirmant une décision rendue dans ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que M. X... ait invoqué devant la cour d'appel l'argumentation dont fait état le moyen ;
que, nouveau et mélangé de fait et de droit, celui-ci est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze.