AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Garage Carbonne, dont le siège est à Saint-Girons (Ariège), BP. 21, représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1994 par la cour d'appel de Toulouse (4ème chambre sociale), au profit de M. Roger X..., demeurant ..., à Saint-Girons (Ariège), défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mai 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Carmet, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Brissier, conseillers, Mmes Girard-Thuilier, Brouard, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Garage Carbonne, de Me Copper-Royer, avocat de M. X..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 mars 1994) que M. X... engagé en février 1980 par la société Garage Carbonne en qualité de vendeur a été licencié le 15 octobre 1991 pour faute grave ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir, tout en retenant une cause réelle et sérieuse de licenciement, écarté l'existence d'une faute grave, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte de l'article L. 122-6 du Code du travail que la falsification d'un document par le salarié caractérise la faute grave ;
qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait falsifié l'original d'un bon de commande en y portant des mentions différentes de celles de l'exemplaire remis au client ;
qu'en refusant néanmoins de retenir l'existence d'une falsification constitutive de faute grave, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé l'article L. 122-6 du Code du travail, alors que, d'autre part, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas réfuté à cet égard le motif des premiers juges pris de la contrefaçon du bon de commande, alors que, de troisième part, il résulte de l'article L. 122-6 du Code du travail que la délivrance de marchandises à un client sans établir de bon correspondant justifie un licenciement immédiat ;
qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. X... avait commis ces agissements ;
qu'en refusant néanmoins de retenir l'existence d'une faute grave, la cour d'appel a violé à nouveau l'article L. 122-6 du Code du travail, alors que, de quatrième part, en affirmant, en ce qui concerne la pratique des dépôts vente, que "rien n'indique la date du règlement intérieur produit par la société sur les formalités à observer", la cour d'appel a dénaturé ce document de la procédure qui portait clairement la date du 1er mai 1987, violant ainsi l'article 1134 du Code civil, alors que, de cinquième part, il résulte de l'article L. 122-6 du Code du travail que l'employeur est libre d'énoncer en cours d'instance d'autres griefs que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement dès lors que le salarié ne lui a pas demandé communication écrite des motifs du congédiement ;
qu'en refusant par suite d'examiner le grief pris de ce que M. X... avait fait un double bénéfice personnel sur le prix de vente de deux véhicules, la cour d'appel a encore violé l'article L. 122-6 du Code du travail, alors qu'enfin, il résulte de l'article L. 122-5 du Code du travail que la faute grave est nécessairement retenue à l'encontre du salarié qui s'est servi de ses fonctions pour s'octroyer un avantage ;
qu'en refusant par suite de retenir un tel grief à l'encontre de l'intéressé au motif inopérant qu'il n'était pas mentionné dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui s'en est tenue à bon droit à l'examen de griefs figurant dans la lettre de licenciement a pu, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la quatrième branche du moyen, décider, répondant ainsi aux conclusions invoquées, que les fautes du salarié n'étaient pas de nature à empêcher son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et qu'il n'avait pas commis de faute grave ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garage Carbonne, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze.