AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Paul X..., demeurant ... (Ille-et-Vilaine), en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1993 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de la Société des transports urbains Rennais, société anonyme dont le siège social est ... Défense (Hauts-de-Seine), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 mai 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Brissier, conseillers, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Girard-Thuilier, les observations de Me Blondel, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société des transports urbains Rennais, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé le 12 septembre 1975, en qualité de conducteur-receveur par la Société des transports urbains Rennais, a été licencié le 5 mai 1992 ;
Attendu que le salarié reproche à l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 1993) de l'avoir débouté de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que, selon le moyen, d'une part la lettre de licenciement, qui fixe les limites de la saisine du juge, fait état d'une alcoolémie excessive pendant le temps de travail et non d'un état d'ébriété, lequel n'était nullement invoqué de façon claire et est visé par l'article 8 du règlement intérieur d'interprétation stricte ;
qu'en décidant néanmoins, pour infirmer les jugements entrepris, que les termes de la lettre de licenciement n'étaient pas limités à un taux d'alcoolémie, qui s'est révélé positif, mais se référait à l'ensemble du comportement du salarié qui trahissait un état d'ébriété nullement invoqué, la cour d'appel excède ses pouvoirs, et viole les articles L 122-14-1, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail tels qu'interprétés ;
alors, de deuxième part, et en toute hypothèse, que la cour d'appel ne pouvait, en l'état des écritures la saisissant, et insistant sur le fait que l'éthylomètre avait été vérifié et était juste, affirmer "que le fait que les mesures suivantes à l'éthylomètre aient été négatives -0- pour une raison qui ne s'explique pas, ne permettent pas de mettre en doute la première mesure positive" suivie de trois mesures négatives ;
qu'ainsi la cour d'appel, qui ne s'exprime pas par une motivation suffisante et pertinente s'agissant du taux d'alcoolémie reproché au chauffeur, méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et prive son arrêt de base légale au regard des règles et principes qui s'évincent de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
alors que, de troisième part, le salarié faisait valoir le moyen suivant : "bien plus, la STUR reconnaît elle-même dans ses écritures en cause d'appel que son directeur a laissé M. X... prendre son service le 11 février 1992 en début d'après-midi ;
on ne peut sérieusement imaginer que le directeur d'une entreprise de transports en commun puisse se livrer à une expérience mettant en cause la sécurité des usagers dans le seul but d'établir l'imprégnation alcoolique prétendue de son salarié et il devait à l'évidence l'empêcher de prendre son service, ou au contraire, il s'agissait d'une simple observation que des contrôles d'alcoolémie ultérieurs ne permettront utilement de conforter, ainsi qu'il sera démontré" ;
qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel méconnaît derechef les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et, alors, enfin, que la cour d'appel croit encore pouvoir asseoir son raisonnement sur la circonstance que "le certificat du médecin du travail qui a immédiatement prescrit un arrêt de travail "pour inaptitude temporaire" permet d'établir qu'il y avait imprégnation alcoolique non négligeable, cependant que ledit certificat ne fait état que d'une inaptitude temporaire à la conduite sans en exprimer la cause, qu'ainsi, en croyant pouvoir juger concluant ledit certificat médical, la cour d'appel a violé derechef les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, répondant aux conclusions, par une décision motivée, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée par la Société des transports urbains Rennais au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que l'employeur sollicite la somme de 7 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE également la demande présentée par la Société des transports urbains Rennais sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. X..., envers la Société des transports urbains Rennais, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.