AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme CPC France, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 10 novembre 1993 par la cour d'appel d'Amiens (2ème chambre sociale), au profit :
1 ) de Mme Maryse Y... épouse X..., demeurant ... (Somme),
2 ) de l'ASSEDIC Oise et Somme, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 mai 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Brouard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Brissier, conseillers, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Brouard, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société CPC France, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que Mme quentin, engagée à compter du 1er mars 1974 en qualité de dactylo par la société Nutrial, devenue la société CPC France, a été licenciée par une lettre du 12 juillet 1991, lui reprochant un manque de rigueur et de fiabilité dans le traitement des dossiers dont elle avait la charge, un niveau de performance générale ne lui permettant pas de faire face à des situations imprévues, un niveau insuffisant dans ses connaissances des aspects administratifs et légaux de la fonction personnel, une mauvaise communication avec la hiérarchie de l'usine et les services du siège ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur, qui engage un licenciement pour faute, doit se conformer à la procédure disciplinaire, et qu'il est non seulement tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement, mais encore d'indiquer les dates des manquements qu'il invoque pour permettre à la juridiction prud'homale d'apprécier la régularité de la procédure au regard des dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail ;
qu'en l'espèce, les griefs énoncés par l'employeur ne sont, ni circonstanciés, ni datés, en sorte qu'ils ne répondent pas aux prescriptions des dispositions des articles L. 122-14-1, L. 122-14-2, L. 122-14-3 et L. 122-44 du Code du travail, et que l'insuffisance des motifs contenus dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motifs et fait ainsi perdre au licenciement toute cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les griefs allégués par l'employeur dans la lettre de licenciement constituaient l'énoncé des motifs précis exigés par la loi, peu important que les dates des faits reprochés à la salariée n'y soient pas mentionnées, la cour d'appel a, par fausse interprétation, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme X... et l'ASSEDIC Oise et Somme, envers la société CPC France, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Amiens, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.