CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacqueline, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre correctionnelle, du 14 octobre 1993, qui, dans les poursuites exercées contre Raymond Z... pour défaut de permis de construire, a, après condamnation définitive du prévenu, déclaré sa constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 815-2, 815-3, 1382 et suivants du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacqueline X..., épouse Y..., irrecevable en sa constitution de partie civile et a débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes ;
" aux motifs que l'action de Jacqueline Y... est une action réelle, qui n'est pas nécessaire à la conservation de son bien ; qu'il s'agit en fait d'une propriété sur laquelle celle-ci n'est que coïndivisaire, s'agissant d'une coïndivision successorale ; qu'elle n'est pas recevable à agir seule, s'agissant d'un acte administratif nécessitant l'accord de tous les coïndivisaires, et ce en application des dispositions de l'article 815-2 du Code civil ; que n'ayant pas mandat spécial de la part de ces derniers, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande ;
" alors que l'indivisaire est recevable à demander réparation à l'auteur d'un délit du dommage qu'il subit personnellement du fait de la dépréciation d'un bien indivis résultant de l'infraction " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile devant la juridiction répressive appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans les poursuites exercées contre Raymond Z... pour défaut de permis de construire, Jacqueline X..., épouse Y..., copropriétaire indivise d'un immeuble contigu à celui du prévenu, s'est constituée partie civile afin d'obtenir principalement la démolition de la construction irrégulièrement édifiée et subsidiairement des dommages-intérêts ; que les premiers juges ont, après condamnation du prévenu, déclaré cette action irrecevable, faute par la demanderesse de justifier d'un mandat spécial, d'un pouvoir légal ou d'une habilitation judiciaire l'autorisant à agir pour le compte de l'indivision ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, sur le seul appel de la partie civile, et écarter l'argumentation de cette dernière qui affirmait agir en réparation du préjudice personnel résultant pour elle de la dépréciation du bien indivis, les juges du second degré relèvent que l'action dont ils sont saisis, de nature réelle, n'ayant pas un caractère conservatoire, constitue un acte d'administration nécessitant l'accord de tous les indivisaires ; qu'ils ajoutent qu'à défaut d'avoir été spécialement mandatée par ses coïndivisaires, Jacqueline Y... est irrecevable à l'exercer seule ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en poursuivant la réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi du fait de la dépréciation de l'immeuble indivis ayant résulté de l'infraction, Jacqueline Y... exerçait, quel que soit le mode de réparation choisi, une action personnelle, étrangère aux dispositions de l'article 815-3 du Code civil, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 octobre 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.