AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Florence Z..., veuve de M. Y..., demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Laetitia, Jonathan et Lauriane, en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1993 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit :
1 / de la société Berthoud Transport, dont le siège social est rue du Poirier Chanin à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire),
2 / de M. François X..., demeurant ... à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire),
3 / de l'Union des assurances de Paris (UAP) incendie, accidents, société anonyme dont le siège social est ... (1er),
4 / de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, dont le siège est à Chambéry (Savoie), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 mai 1995, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Dorly, conseiller rapporteur, M. Michaud, conseiller, M. Tatu, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Dorly, les observations de Me Foussard, avocat de Mme Z..., veuve Y..., de Me Odent, avocat de la société Berthoud Transport, de M. X... et de l'Union des assurances de Paris, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que seule est inexcusable, au sens de ce texte, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., qui marchait sur une chaussée, a été heurté et mortellement blessé par le poids lourd de la société Berthoud Transport (la société) conduit par son préposé, M. X... ;
que sa veuve, en son nom personnel et celui de ses 3 enfants mineurs, a demandé à la société, à M. X... et à leur assureur, la compagnie UAP, réparation des préjudices ;
Attendu que, pour rejeter la demande, en retenant à la charge de M. Y... une faute inexcusable, l'arrêt énonce que M. Y..., sous l'empire d'un état alcoolique, se trouvait de nuit, hors agglomération, à un endroit dépourvu d'éclairage, à un mètre environ du bord droit de la chaussée, dont l'accotement était pourtant praticable, sans être muni d'une lampe électrique pour signaler sa présence, et qu'il n'avait pas pu ne pas avoir conscience du danger auquel il s'exposait, acceptant ainsi de prendre des risques sans aucune nécessité ;
Que, de ces énonciations, desquelles il ne résulte pas que M. Y... avait commis une faute inexcusable au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mme Z..., veuve Y... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de cinq mille francs ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les défendeurs, envers le trésorier-payeur général, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.