AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société La Cour Foch, société à responsabilité limitée, ayant son siège social ... (Maine-et-Loire), en cassation d'un arrêt rendu le 29 juin 1993 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section A), au profit de :
1 / la société Compagnie générale de Crédit-Bail (CEGEBAIL), société anonyme, ayant son siège social ... à Marcq-en-Baroeul (Nord),
2 / Mme Marie-Claude X..., demeurant ..., demeurant à Angers (Maine-et-Loire), ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Anjou vision télématique (AVT), défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 mai 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Cour Foch, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Cegebail, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société Cégébail soutient que le moyen est irrecevable, faute d'avoir été soutenu devant la cour d'appel par la société la Cour Foch, qui n'a comparu ;
Mais attendu que le jugement de première instance, qui a été infirmé, a retenu à la fois que les matériels et logiciels litigieux étaient devenus inutiles à la suite de l'interruption de la diffusion des images, et que la société bailleresse avait une parfaite connaissance de l'opération financée ;
que les griefs du moyen étaient, dès lors, dans le débat devant la cour d'appel ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1184 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vue de la diffusion d'images d'information et de publicité dans son restaurant, la société la Cour Foch a commandé à la société AVT un matériel et un logiciel donnant accès, au réseau télématique que cette société exploitait à cette fin ;
que pour le financement de cet équipement, la société la Cour Foch a souscrit un projet de contrat de crédit-bail auprès de la Compagnie Générale de Crédit-bail (société Cégébail) ;
que quelques mois plus tard, la société AVT a été mise en liquidation judiciaire, à la suite de laquelle la diffusion des images sur le réseau a été interrompue ;
que la société Cégébail a réclamé à la société la Cour Foch la poursuite du règlement des loyers ;
Attendu que pour décider que la résolution du contrat conclu entre le crédit-preneur et le fournisseur n'entraînait pas la résiliation du contrat de crédit-bail, la cour d'appel retient que l'interruption de la diffusion d'images par la société AVT n'interdisait, "semble-t-il", pas à la société la Cour Foch de s'adresser ailleurs pour les mêmes prestations de service et relève que le contrat excluait tout recours contre le bailleur dans le cas où le matériel ne pourrait plus être utilisé, pour une raison indépendante de la volonté du bailleur ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher avec précision si les matériels et logiciels loués pouvaient avoir d'autres utilisations que la connexion au réseau de diffusion d'images exploité par le fournisseur, ou si leur éventuelle destination spécifique était inconnue de l'établissement de financement, alors que, sinon, la résolution du contrat conclu avec le fournisseur aurait entraîné la résiliation du crédit-bail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Cegebail et Mme X... ès qualités, envers la société La Cour Foch, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Angers, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.