AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société de caution mutuelle des professions immobilières et foncières (SOCAF), dont le siège social est ... (15e), en cassation d'un arrêt rendu le 4 mai 1993 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), au profit :
1 / de Mme veuve André Z..., née X..., demeurant ... (16e),
2 / de M. Paul Z..., demeurant ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), pris en leur qualité d'héritiers de André Z..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 1995, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Delattre, conseiller rapporteur, M. Laplace, Mme Vigroux, MM. Buffet, Séné, Chardon, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Delattre, les observations de la SCP Hubert et Bruno Le Griel, avocat de la Société de caution mutuelle des professions immobilières et foncières (SOCAF), de la SCP Rouvière et Boutet, avocat des consorts Z..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 mai 1993), et les productions, que M. Z... a été désigné par jugement en qualité d'administrateur de la succession de M. Y... ;
qu'un jugement a ordonné la distribution par voie d'ordre de la somme de 112 000 francs, montant du prix de la vente sur adjudication d'un immeuble dépendant de cette succession, a ordonné pour une somme de 20 680,12 francs la collocation des héritiers de l'un des deux créanciers inscrits et a sursis à statuer sur la collocation de l'autre créancier, la Société de caution mutuelle des professions immobilières et foncières (SOCAF) ;
que par la suite la SOCAF a demandé que le solde du prix d'adjudication lui fût attribué ;
que, de son côté, M. Z..., invoquant le caractère privilégié de la créance de frais de justice lui revenant, a demandé que le solde du prix de vente de l'immeuble lui fût attribué préférentiellement à la SOCAF ;
qu'un jugement a fixé le montant de la collocation de M. Z... à 98 180,40 francs et a attribué le solde du prix de vente et des intérêts, après paiement des frais privilégiés et de la créance de M. Z..., à la SOCAF en compte et à valoir sur sa créance d'un montant en principal de 80 185,68 francs ;
que la SOCAF a interjeté appel de ce jugement ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé ce jugement, alors que, selon le moyen, d'une part, des frais utiles à certains créanciers mais inutiles pour d'autres ne permettent pas d'opposer le privilège des articles 2101.1 et 2104.1 du Code civil aux créanciers qui n'en ont pas profité et qu'en se bornant, en l'espèce, à des considérations générales sur la mission de l'administrateur provisoire sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la SOCAF, si cette dernière avait effectivement profité de l'ensemble des diligences de l'administrateur dont le règlement a été imputé sur le prix de vente de l'immeuble de Courseulles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités ;
alors que, d'autre part, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de la SOCAF, si l'administrateur qui, lors de la vente des autres biens de la succession, avait procédé au règlement de diverses créances sans jamais se prévaloir de son privilège, ne se trouvait pas, du fait de cette négligence, déchu de son droit d'être colloqué, pour la totalité de ses frais et honoraires, sur le prix de vente de l'immeuble de Courseulles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 2101.1 du Code civil ;
Mais attendu qu'en retenant, par motifs propres et adptés, que les actes de l'administrateur ont été exécutés, tant dans l'intérêt de la succession de M. Y... que dans celui des créanciers de celle-ci, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;
Et attendu que, dès lors que M. Z... ne se trouvait pas en mesure de se prévaloir de son privilège, avant que ne soit arrêté le montant global de sa rémunération, fixée, ainsi que le révèle l'arrêt, par deux ordonnances des 5 novembre et 19 décembre 1989, la cour d'appel n'avait pas à se livrer à la recherche invoquée au moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que les consorts Z... sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également la demande présentée par les consorts Z... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la SOCAF, envers les consorts Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-et-un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.