AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société immobilière de la zone industrielle des Terres de Saint-Lazare, dont le siège est ... (Essonne), en cassation d'un arrêt rendu le 30 avril 1993 par la cour d'appel de Paris (2e chambre, section B), au profit :
1 / de la société Banque du Phénix - Banque générale du Phenix et du Crédit chimique (venant aux droit de la société Crédit chimique), société anonyme, dont le siège est ... (9e),
2 / de la société Transports de Savigny, dont le siège est ... Vieille Poste (Essonne),
3 / de la société Ellul-Grimal-Ellul, société civile professionnelle d'avocats, dont le siège est ... (Essonne), défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 mai 1995, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Delattre, conseiller rapporteur, M. Laplace, Mme Vigroux, MM. Buffet, Séné, Chardon, conseillers, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Delattre, les observations de la SCP Monod, avocat de la société immobilière de la zone industrielle des Terres de Saint-Lazare, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Banque du Phénix, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Ellul-Grimal-Ellul, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 1993), que la société Les Transports de Savigny (la société) a été déclarée adjucataire de certains lots de la zone d'activité de la SCI de la zone industrielle des Terres de Saint-Lazare (la SCI) sur poursuites de saisie immobilière convertie en vente volontaire, dirigées contre celle-ci par la société Banque du Phénix - Banque générale du Phénix et du Crédit chimique ;
qu'après l'adjudication, la SCI a assigné la société adjudicataire pour obtenir le remboursement de la taxe locale d'équipement qu'elle avait préfinancée, en tant que lotisseur, conformément aux accords conclus avec la commune de Ris-Orangis ;
qu'elle a été déboutée de sa demande par un jugement dont elle a relevé appel ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé ce jugement alors que, selon le moyen, d'une part, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;
que comme l'ont constaté les juges du fond, l'adjudicataire savait que le terrain en cause était soumis à la taxe locale d'équipement et que le lotisseur avait assuré le préfinancement de cette taxe, et il pouvait consulter, chez le notaire, le cahier des charges du lotissement document contractuel, prévoyant, à la charge des acquéreurs, le remboursement de cette taxe en en précisant les modalités de calcul ;
que l'adjudicataire ne pouvait donc, en toute bonne foi, prétendre ignorer qu'il devrait rembourser cette taxe ce qu'admettait d'ailleurs l'avocat du créancier poursuivant dans ses conclusions ;
qu'en tirant de la seule circonstance que ce cahier des charges "utilisateurs" n'était pas annexé au cahier des charges de la vente, la conclusion que le constructeur n'était pas contractuellement tenu de rembourser cette taxe au lotisseur, sans rechercher si une telle obligation ne résultait pas de l'ensemble des pièces du dossier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
alors que, d'autre part, la circonstance que les créanciers du débiteur saisi aient négligé d'exercer les droits dont ils disposent sur ses biens ne saurait priver ce débiteur de la faculté de réclamer à l'adjudicataire une somme quelconque, fut-elle accessoire à la vente sur saisie immobilière intervenue ;
que l'action du débiteur saisi, qui ne fait pas obstacle à une saisie ultérieure de la somme en cause par ses créanciers, est conforme tant à leurs intérêts qu'aux siens propres ;
qu'en décidant que la SCI ne pouvait demander à la société le remboursement à son profit de la taxe locale d'équipement dès lors que ses propres créanciers n'avaient pas été intégralement désintéressés, la cour d'appel a violé l'article 2093 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le débiteur saisi ne saurait, valablement, sans contrevenir aux droits des créanciers, en particulier lorsque ceux-ci disposent d'un privilège sur le bien saisi, prétendre que lui soit directement versée par l'adjudicataire une quelconque somme, même en cas de conversion en vente volontaire par l'adjudicataire et fût-ce, postérieurement à l'adjudication, que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard de l'article 2093 du Code civil ;
Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société Banque du Phénix et la société civile professionnelle Ellul-Grimal-Ellul sollicitent chacune, sur le fondement de ce texte, l'allocation pour la première d'une somme de cinq mille francs (5 000) et pour la seconde une somme de six mille francs ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société immobilière de la zone industrielle des Terres de Saint-Lazare, envers les défenderesses, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-et-un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.