AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 10 septembre 1992 par la cour d'appel de Bordeaux (5e chambre), au profit de :
1 ) Mme Jeanne X..., demeurant ...,
2 ) les héritiers de Mme Henriette Z..., domiciliée ..., décédée le 17 décembre 1991, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 mai 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. Y..., de Me Barbey, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les héritiers de Mme Z... ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, ensemble les articles 49 du nouveau Code de procédure civile et 11 de la loi du 1er septembre 1948 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 septembre 1992), que la société ERT ayant donné à bail à Mmes X... et Z... un logement soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948, leur a délivré un congé au visa de l'article 11 de cette loi après avoir obtenu, du maire de Bordeaux, le permis de démolir l'immeuble ;
que M. Y..., venant aux droits de la société ERT, a assigné les locataires aux fins de faire déclarer le congé valable et ordonner leur expulsion ;
que Mme Z... est décédée en cours de procédure ;
Attendu que, pour débouter M. Y... de ses demandes, l'arrêt retient que celui-ci n'a pas satisfait à la condition prévue au permis de démolir lui imposant la conclusion d'une convention de relogement de la locataire, qu'il importe peu au juge judiciaire, qui n'a pas compétence pour apprécier la légalité de cette décision et qui doit la prendre en considération comme un fait, de savoir si une telle obligation pouvait être imposée ou non, sauf au propriétaire à la contester devant la juridiction compétente ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la question préjudicielle soulevée par M. Y..., qui soutenait que le maire n'avait pas compétence pour imposer une convention de relogement, présentait un caractère sérieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne Mme X... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bordeaux, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.