AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales URSSAF des Ardennes, dont le siège est ... à charleville Mézières (Ardennes), en cassation d'un arrêt rendu le 8 février 1993 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, section 1), au profit de M. Charles X..., demeurant ... (12e), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 mai 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me Blondel, avocat de l'URSSAF des Ardennes, de Me Odent, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Ardennes (l'URSSAF) , créancière de M. X... au titre d'un arriéré de cotisations sociales, reproche à l'arrêt attaqué (Reims, 8 février 1993) de l'avoir déboutée de sa demande tendant à la mise en redressement judiciaire de son débiteur alors, selon le pourvoi, d'une part, que les procédures collectives concernent toutes les entreprises ayant une activité économique exploitée par une personne physique ou une personne morale ;
qu'ainsi un "décorateur, agréé en architecture", qualifié de profession libérale, est susceptible d'être soumis aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 ;
et alors, d'autre part, que les commerçants et les artisans sont soumis aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaires ;
qu'en décidant de façon abrupte que la profession affichée par M. X... de "décorateur, agréé en architecture" relève de la catégorie des professions libérales car il s'agit d'une activité intellectuelle et de création artistique, pour l'exclure, de façon générale et absolue, du domaine des procédures collectives, bien qu'une telle activité, non réglementée au demeurant s'agissant de la partie décoration, n'excluait pas par nature l'accomplissement par M. X... d'actes de commerce ou artisanaux, dont l'importance que la cour d'appel se devait de prendre en compte pouvait excéder l'aspect artistique et intellectuel, la cour d'appel viole l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985 en ne permettant pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle quant à ce ;
Mais attendu, d'une part, que, selon l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, le redressement judiciaire n'est applicable qu'aux commerçants, artisans, agriculteurs et personnes morales de droit privé ;
qu'il en résulte que les personnes physiques qui n'exercent qu'une profession libérale ne peuvent être mises en redressement judiciaire, sauf si, en fait, leur activité réelle est commerciale, artisanale ou agricole ;
Attendu, d'autre part, que, loin de se prononcer par une affirmation de principe, la cour d'appel relève que M. X..., que l'URSSAF avait assigné non devant le tribunal de commerce mais devant le tribunal de grande instance, exerçait une activité de "décorateur, agréé en architecture", que cette dénomination faisait présumer qu'il exerçait une profession intellectuelle de création artistique, et non pas une activité artisanale, et qu'aucun élément de preuve ne démontrait qu'il accomplissait de manière habituelle des actes de commerce ;
que de ces constatations elle a pu déduire, en l'état des éléments dont elle disposait, que M. X... n'était ni artisan, ni commerçant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 11 860 francs ;
Mais attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Ardennes à payer à M. X... la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La condamne, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.