AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la SCI Ribatflo, dont le siège social est ... (Maine-et-Loire), en cassation d'un arrêt rendu le 16 mars 1993 par la cour d'appel d'Angers (3e chambre sociale et commerciale), au profit :
1 / de M. Patrick X..., demeurant ... (Maine-et-Loire), pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Confordécor,
2 / de M. Patrick X..., demeurant ... (Maine-et-Loire), pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la SCI Ribatflo, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 mai 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Badi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Appollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Armand Prevost, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Badi, les observations de Me Le Prado, avocat de la SCI Ribatflo, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que la société civile immobilière Ribatflo (la SCI) fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 16 mars 1993) de lui avoir étendu la procédure de liquidation judiciaire de la société Confordécor, avec masses active et passive communes et même date de cessation des paiements, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il résultait d'une attestation de M. Y..., gérant de la société Confordécor, que des traites émises pour le paiement des travaux avaient été acceptées par M. Z... sans mandat donné par le gérant, sans dénaturer la lettre de M. Y... à la banque de Bretagne, seule attestation du gérant ;
que ce dernier se borne, en effet, dans cette lettre à révoquer postérieurement aux travaux les procurations pour le fonctionnement des comptes de la société ;
que la cour d'appel, en en déduisant que M. Z... n'avait pas de mandat de gérant pendant la réalisation des travaux, a violé l'article 1134 du Code civil ;
et alors, d'autre part, que ne caractérisent pas la confusion des patrimoines les juges du fond qui se bornent à démontrer l'existence de liens privilégiés entre deux sociétés, unies par une communauté d'intérêts et qui se bornent à énoncer que certaines dépenses de l'une sont prises en charge par l'autre qui apparaît n'avoir été créée que pour servir la première ;
qu'en l'espèce en se déterminant, par de tels motifs, impropres à établir en quoi les patrimoines de la société Confordécor et de la SCI auraient été confondus, ni le paiement d'un loyer légèrement supérieur aux mensualités de remboursement d'un emprunt immobilier, ni le règlement de travaux par la société Confordécor qui exploitait un commerce dans l'immeuble loué, n'étant de nature à caractériser une telle confusion, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que, l'arrêt n'ayant fait aucune référence à la lettre de M. Y... à la banque de Bretagne, la cour d'appel n'a pu dénaturer celle-ci ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le bail consenti par la SCI à la société Confordécor, qui venait d'être constituée entre trois associés dont M. Z..., également associé de la SCI, sous la cogérance de M. Y... et de Mlle Z..., fille de M. Z..., alors âgée de 19 ans, stipulait un loyer d'un montant excessif, incompatible avec la valeur locative et qu'il avait été prévu avec effet rétroactif au 1er juillet 1988 tandis que la prise de possession n'était intervenue que le 23 septembre, la société locataire ayant ainsi versé immédiatement à la SCI une somme de 200 000 francs grevant irrémédiablement sa trésorerie ;
qu'il relève encore que des travaux importants d'un montant de 7 à 800 000 francs représentant environ 60 % du prix d'acquisition de l'immeuble et portant essentiellement sur le clos et le couvert ont été effectués dans les lieux loués sur la base de devis établis indifféremment au nom de l'une ou l'autre société mais ont été facturés à la société Confordécor, locataire, et ont ainsi profité à la SCI sans aucune contrepartie ;
qu'en l'état de ces constatations retenant la confusion des patrimoines, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Ribatflo, envers M. X..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.