AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Ginette X..., demeurant à Paris (16ème), ..., en cassation des arrêts rendus les 11 février 1993 et 24 février 1993 par la cour d'appel de Paris (7e chambre, section B) au profit :
1 / du syndicat des copropriétaires du ... (16ème), pris en la personne de son syndic en exercice, le cabinet Villa, société anonyme, dont le siège social est sis à Paris (9ème), ..., lui-même pris en la personne de ses président-directeur général, administrateurs et représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
2 / de la société anonyme cabinet Villa, dont le siège social est sis à Paris (9ème), ..., prise en la personne de ses président-directeur général, administrateurrs et représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
3 / de la société anonyme la Concorde, compagnie d'assurances, dont le siège social est sis à Paris (9ème), ..., prise en la personne de ses président-directeur général, administrateurs et représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 mai 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Chemin, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Fromont, Villien, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Lucas, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chemin, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat des copropriétaires du ... (16ème), pris en la personne de son syndic en exercice le cabinet Villa, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société cabinet Villa, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société La Concorde et du syndicat des copropriétaires du ... (16ème), les conclusions de M. Lucas, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 11 février 1993 et 24 février 1993), que, victime d'une agression et d'un vol dans le garage d'un immeuble en copropriété, doté d'un système de télé-surveillance, Mme X..., occupante d'un appartement mis à sa disposition par un copropriétaire, a assigné, en indemnisation de ses préjudices le syndicat des copropriétaires, la compagnie d'assurances de celui-ci et le syndic ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt du 11 février 1993 de la débouter de sa demande d'indemnisation pour vol d'une bague, alors, selon le moyen, "1 ) que M. Y..., expert agréé par la Cour de Cassation, par attestation du 13 décembre 1989, a déclaré que Mme X..., à l'occasion de la transformation d'une bague, lui avait présenté un diamant desserti de 3,57 carats et d'une valeur de 425 000 francs ;
que la cour d'appel, qui ne dénie pas la valeur probante de cette attestation, d'où il résultait que Mme X... était en possession d'un tel diamant qu'elle entendait monter en bague, ne pouvait dès lors affirmer que cette dernière ne rapportait pas la preuve de l'existence et de la valeur de la bague qui lui avait été volée, sans dénaturer les termes de cette attestation, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 ) que l'article 2279, alinéa 1er, du Code civil institue au bénéfice du possesseur de meubles, une présomption de titre ;
qu'en énonçant pourtant que rien n'établirait, si l'on admet que Mme X... ait été en possession du diamant litigieux, que celle-ci en était propriétaire, la cour d'appel a violé la disposition susvisée" ;
Mais attendu qu'ayant retenu que Mme X..., qui portait, le jour de son agression, deux bagues dont elle a été indemnisée, ne rapportait pas la preuve qu'elle ait été dépouillée d'une autre bague de très grande valeur, la cour d'appel a, par ce seul motif, et sans dénaturation, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de ses demandes de réparation du préjudice corporel et moral subi à l'occasion de l'agression dont elle a été victime, l'arrêt retient que l'absence du gardien de son poste au moment de cette agression ne pouvait être considérée comme une faute, alors qu'il est constant qu'il avait d'autres fonctions ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'exercice de ses autres attributions justifiait l'absence du gardien de son poste au moment où l'agression s'est produite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'aucun grief n'est dirigé contre l'arrêt du 24 février 1993 ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 24 février 1993 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de réparation de son préjudice corporel et moral, l'arrêt rendu le 11 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du ... (16ème) aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.