AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Bernard X...,
2 / Mme Annie X..., née Antoine, demeurant ensemble ... (20e), en cassation d'un arrêt rendu le 27 février 1992 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section B), au profit de la Société civile immobilière de la rue Alexandre Dumas, dont le siège social est ... à Pantin (Seine-Saint-Denis), défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mai 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Masson-Daum, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Deville, Chemin, Boscheron, Toitot, Bourrelly, conseillers, M. Chollet, conseiller référendaire, M. Lucas, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Masson-Daum, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des époux X..., de Me Guinard, avocat de la société civile immobilière de la rue Alexandre Dumas, les conclusions de M. Lucas, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 1992), que la société civile immobilière (SCI) de la rue Alexandre Dumas, propriétaire d'un appartement donné en location aux époux X..., après leur avoir proposé le renouvellement de leur bail pour un nouveau prix, a saisi la commission de conciliation, puis les a assignés en fixation judiciaire du nouveau loyer ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir relative à la tardiveté de la saisine du juge, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en vertu de l'article 21 de la loi du 23 décembre 1986, le juge est saisi avant le terme du contrat ;
que, selon l'article 838 du nouveau Code de procédure civile, la saisine du juge résulte de la remise au greffe de la copie de l'assignation ;
qu'en l'espèce, le terme du contrat intervenait le 1er février 1989 ;
que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que le juge avait été saisi le 2 février 1989, soit postérieurement au terme du contrat, la cour d'appel s'est fondée sur un "tampon" indiquant le "28 décembre 1988" sur la copie de chaque second original de l'assignation ;
qu'en statuant ainsi bien qu'il ne résultât pas de cette indication qu'elle fût apposée par le greffier, la cour d'appel a violé les articles susvisés et l'article 1134 du Code civil" ;
2 ) qu'il appert des termes clairs et précis d'une lettre versée aux débats du 19 décembre 1990 que le greffier en chef du tribunal d'instance avait spécifié que le bailleur avait placé son assignation le 2 février 1989 ;
qu'en s'abstenant de prendre en considération ce document déterminant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les époux X... contestaient la date de remise au greffe de l'assignation, la cour d'appel, appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a souverainement retenu que la copie de l'assignation avait été remise le 28 décembre 1988 au secrétariat-greffe du tribunal d'instance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1751 du Code civil, ensemble l'article 21 de la loi n 86-1290 du 23 décembre 1986, en sa rédaction antérieure à la loi du 13 janvier 1989 ;
Attendu que, pour déclarer la proposition de renouvellement opposable à Mme X..., l'arrêt relève que celle-ci demeure avec son mari dans l'appartement en cause, qu'elle s'est présentée en personne devant le premier juge, qu'elle ne précise pas qui a reçu la lettre et signé l'avis de réception, que le préposé des PTT a pu la remettre aux deux époux alors présents à leur domicile ou que l'un d'entre eux a reçu mandat de l'autre pour recevoir la lettre recommandée ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la proposition de nouveau contrat n'avait pas fait l'objet de lettres distinctes adressées à chacun des époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux X...,
l'arrêt rendu le 27 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la SCI de la rue Alexandre Dumas, envers les époux X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.