Sur le moyen unique ;
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 1, 5 et 11 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société civile Château d'Yquem, propriétaire de la marque Château Yquem dont le dépôt en renouvellement a été enregistré le 4 août 1988, sous le numéro 1 481 718, pour désigner, dans la classe 33, des vins, a assigné, pour atteinte de ses droits et réparation du préjudice subi, la société Jacques Benedict qui a déposé le 29 août 1986 la marque Yquem enregistrée sous le numéro 1 368 940 pour désigner, dans les classes 3, 14, 25 et 34, des préparations pour blanchir et lessiver, nettoyer polir dégraisser et abraser, des savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux, des dentifrices, des métaux précieux et leurs alliages, la joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, vêtements, chaussures, chapellerie, tabac, articles pour fumeurs et allumettes ;
Attendu que, pour décider l'annulation de la marque déposée par la société Jacques Benedict, l'arrêt retient qu'en raison de l'exceptionnelle notoriété de la marque Château Yquem, dans laquelle le mot Château est dénué de tout caractère distinctif, " toute utilisation du vocable Yquem dans le secteur commercial est susceptible d'être considérée par un consommateur d'attention moyenne comme émanant, sinon de la société civile Château d'Yquem, du moins d'un de ses licenciés, alors surtout que, sous la marque incriminée seraient vendus des produits ayant en commun avec le vin de la demanderesse un certain caractère de raffinement et de luxe " et que " si dans le principe le déposant d'un signe disponible n'a pas à justifier du choix qu'il en a fait, l'adoption à titre de marque d'une dénomination ayant déjà conquis la notoriété ne peut manquer de susciter des interrogations et de faire naître le soupçon d'un calcul " ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, fondés sur l'exceptionnelle notoriété de la marque litigieuse, impropres à démontrer ni que les produits protégés par la marque déposée par la société Jacques Benedict étaient identiques ou similaires au vin protégé par la marque Château Yquem déposée par la société civile Château d'Yquem, ni que la société civile Jacques Benedict avait commis une faute dans l'exploitation de la marque en se référant à la notoriété de la marque Château d'Yquem, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.