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23/05/1995 | FRANCE | N°93-82815

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 1995, 93-82815


REJET du pourvoi formé par :
- X... Rolande,
- la société Sipo, civilement responsable,
contre l'arrêt de cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 26 mai 1993 qui, pour diffamation publique envers un particulier, a condamné la prévenue à 3 000 francs d'amende, prononcé sur les intérêts civils et déclaré la société civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce

que l'arrêt attaqué a déclaré Rolande X... coupable du délit de diffamation publique e...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Rolande,
- la société Sipo, civilement responsable,
contre l'arrêt de cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 26 mai 1993 qui, pour diffamation publique envers un particulier, a condamné la prévenue à 3 000 francs d'amende, prononcé sur les intérêts civils et déclaré la société civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Rolande X... coupable du délit de diffamation publique envers particulier et de l'avoir condamnée avec la société Sipo, en qualité de civilement responsable, à payer à Fernand Y... la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le caractère diffamatoire de l'article incriminé, du fait que le plaignant, Fernand Y..., est qualifié de receleur qui aurait été pris en flagrant délit, alors qu'il était seulement inculpé de recel et donc présumé innocent ; que la prévenue invoque le bénéfice de la bonne foi, au motif que l'article publié par le journal L'Eclair n'aurait fait que reproduire une information émanant du ministère de la Culture donnée par un communiqué en date du 9 mars 1992 précisant que : " les deux receleurs, Jean-Claude Z... et Fernand Y..., interpellés par l'office central de répression des vols d'oeuvres et d'objets d'art ont été déférés devant le juge d'instruction, M. Humetz, qui a prononcé leur inculpation " ; que la bonne foi de la prévenue ne saurait cependant être admise en l'espèce ; qu'il lui appartenait, en effet, en sa qualité de directrice de publication du journal L'Eclair, de vérifier que les informations données par le communiqué du ministère de la Culture étaient diffusées par son journal en des termes ne comportant aucune imputation diffamatoire ; que l'article naurait pas dû reprendre le terme litigieux de receleur utilisé par ce communiqué, ni ajouter que Fernand Y... avait été pris en flagrant délit de recel ; que c'est donc, à bon droit, que le tribunal n'a pas admis de bénéfice de la bonne foi en faveur de la prévenue ;
" alors, d'une part, qu'il était constant que le communiqué de presse émis le 9 mars 1992 par le ministère de la Culture déclarait :
" Jack Lang, ministre de la Culture et de la Communication, annonce la redécouverte de trois importants tableaux des collections publiques, volés dans l'enceinte du Louvre entre 1979 et 1982 (...). Les deux receleurs, Jean-Claude Z... et Fernand Y..., interpellés par l'office central de répression des vols d'oeuvres et d'objets d'art, ont été déférés devant le juge d'instruction, M. Humetz, qui a prononcé leur inculpation " ; que le journaliste, qui se bornait à reprendre les termes d'un communiqué officiel du ministre, en précisant que l'information provenait de " source informée ", n'avait pas manqué à son obligation de prudence et justifiait de sa bonne foi ; qu'il ne pouvait, dès lors, pas être reproché au journaliste d'avoir simplement repris le terme de receleur utilisé par le communiqué susvisé et, par ailleurs, également employé dans deux dépêches de l'agence France-Presse du même jour ;
" alors, d'autre part, qu'il était constant " que la précision, que l'article incriminé n'a fait que reproduire sans commentaire, selon laquelle les deux hommes ont été pris en flagrant délit de recel ", provenait de deux dépêches de l'agence France-Presse du 9 mars 1992 et même des déclarations du commissaire Mireille A... ; qu'en ne recherchant pas si cette circonstance, au surplus ajoutée au communiqué de presse du ministère, n'était pas de nature à établir la bonne foi du journaliste, les juges du fond nont pas conféré de base légale à leur décision ;
" alors, de surcroît, que la notion de flagrant délit ne portait que sur les modalités de l'interpellation des receleurs, telles qu'indiquées par les sources susvisées, et ne comportait en soi aucune affirmation d'un fait précis (distinct du terme " receleur " utilisé) de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ; qu'elle n'ajoute ainsi aucune imputation diffamatoire qui ne fût déjà contenue dans le communiqué officiel émanant du ministre que le journaliste était légitimement autorisé à reproduire comme émanant de source informée " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal L'Eclair, dont Rolande X... est directeur de la publication, a publié le 10 mars 1992 un article intitulé " Un des tableaux volés au musée du Louvre appartenait au musée Dobrée ", relatant la découverte de quatre tableaux volés au musée du Louvre chez deux receleurs, nommément désignés, qui avaient été " inculpés de recel par un juge d'instruction de Paris ", après avoir été " pris en flagrant délit de recel " ;
Attendu que les juges ont admis, à bon droit, le caractère diffamatoire, envers Fernand Y..., des propos qui le mettaient en cause ;
Attendu que, pour écarter l'exception de bonne foi invoquée par la prévenue, et fondée sur les termes tant d'un communiqué émanant du Ministère de la culture que d'une dépêche de l'Agence France-Presse, l'arrêt attaqué relève, par motifs propres et adoptés, le manque de prudence du journaliste, qui n'aurait pas dû employer les termes de receleur et de flagrant délit, à l'égard d'une personne inculpée bénéficiant de la présomption d'innocence ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que la diffusion d'un communiqué de presse par un ministère ou d'une dépêche par une agence de presse ne dispense pas le journaliste de ses devoirs d'enquête préalable et de prudence dans l'expression de la pensée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-82815
Date de la décision : 23/05/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Intention coupable - Présomption - Preuve contraire - Bonne foi - Conditions - Devoirs du journaliste - Enquête préalable et prudence d'expression.

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Conditions

La diffusion d'un communiqué de presse par un ministère ou d'une dépêche par une agence de presse ne dispense pas le journaliste de ses devoirs d'enquête préalable et de prudence dans l'expression de la pensée. (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mai 1993

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1949-01-27, Bulletin criminel 1949, n° 37, p. 58 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1962-03-14, Bulletin criminel 1962, n° 131, p. 269 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-04-25, Bulletin criminel 1989, n° 86-91.648 (inédit) ;

Chambre criminelle, 1991-11-26, Bulletin criminel 1991, n° 438 (2), p. 1118 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mai. 1995, pourvoi n°93-82815, Bull. crim. criminel 1995 N° 191 p. 520
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 191 p. 520

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocat : la SCP de Chaisemartin et Courjon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.82815
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