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16/05/1995 | FRANCE | N°93-83690

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 1995, 93-83690


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 13 juillet 1993, qui, pour diffamation publique envers un particulier et complicité, les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 398-2 et 486, 512 du Code de procédure pénale, L. 811-1 du Code de l'organisation judiciaire, et du décret du 18 août 1810 :
" en ce que l'arrêt at

taqué mentionne que la cour d'appel était assistée de "P. Roudaut, greffier faisant...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 13 juillet 1993, qui, pour diffamation publique envers un particulier et complicité, les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 398-2 et 486, 512 du Code de procédure pénale, L. 811-1 du Code de l'organisation judiciaire, et du décret du 18 août 1810 :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était assistée de "P. Roudaut, greffier faisant fonctions lors des débats, et de Mme Monterrain Cherre, greffier, lors du prononcé de l'arrêt" ;
" alors, d'une part, que la juridiction correctionnelle doit être assistée d'un greffier ayant prêté serment ; que la seule mention que P. Roudaut "faisait fonctions" de greffier, ne suffit pas à l'exercice de telles fonctions ; que la cour d'appel était ainsi irrégulièrement composée ;
" alors, d'autre part, que l'arrêt ne répond pas en la forme aux conditions de son existence légale, faute de préciser lequel des deux greffiers mentionnés a signé la minute de l'arrêt ;
" alors, enfin, que dès lors que deux greffiers différents assistent la cour d'appel au moment des débats, puis au moment du prononcé de l'arrêt, chacun d'entre eux doit authentifier la partie de la procédure à laquelle il a participé ; que l'arrêt, qui ne comporte que la signature d'un seul greffier, ne répond pas à cette exigence légale " ;
Attendu que la mention de l'assistance de la cour d'appel par un fonctionnaire faisant fonctions de greffier lors des débats, et par un greffier lors du prononcé de l'arrêt, implique, d'une part, la capacité de chacun d'eux, d'autre part, la signature, seule requise, de la minute par celui qui a assisté au prononcé ;
Qu'en l'absence de preuve contraire, la régularité de la décision demeure présumée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... et X... coupables respectivement de diffamation et de complicité de diffamation à l'égard de Z..., et les a condamnés à des dommages-intérêts au profit de ce dernier ;
" aux motifs que la version de l'ouvrage constitue une atteinte à l'honneur et à la considération de Z..., dans la mesure où le choix de la victime exécutée par ce dernier en octobre 1941 à Nantes aurait été, en réalité, effectué par l'occupant contre lequel luttait Z..., qui aurait été ainsi un jouet entre ses mains ; que l'opinion, maintes fois répétée, sur le récit des faits par Z... contiendrait des divergences, des imprécisions, ou des invraisemblances, convainc insidieusement le lecteur que Z... a masqué certains éléments de son récit, et qu'un motif inavouable peut l'y avoir incité ;
" alors que, la thèse de l'ouvrage, selon laquelle Z..., auteur d'une action commando au cours de laquelle il a tué un officier allemand, aurait agi sans le savoir dans le cadre d'une incitation à cette action émanant indirectement de la Gestapo qui aurait pu infiltrer les FTP et suggérer l'action à laquelle elle-même avait intérêt, ne portait pas atteinte à l'honneur et à la considération de Z..., dont le courage et la bonne foi sont constamment soulignés par l'ouvrage, qui se borne à émettre l'hypothèse que l'acte aurait pu être surveillé ou suggéré, à l'insu de ses auteurs mêmes, par la Gestapo ; que l'ouvrage, qui souligne, par ailleurs, expressément la bonne foi, le courage, et le fait que Z... n'a pas pu connaître l'existence d'une éventuelle machination, n'est pas diffamatoire à l'égard de ce dernier " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... a édité, en octobre 1991, un ouvrage de X... intitulé " 50 Otages, Mémoire sensible " consacré à l'attentat commis par Z... contre un officier allemand à Nantes, le 20 octobre 1941, et à l'exécution en représailles de cinquante otages choisis à Nantes, Paris et Chateaubriant ; qu'au chapitre 10 de l'ouvrage, l'auteur met en doute la version de l'attentat donnée par Z..., et laisse entendre que ce franc-tireur parisien, chargé d'une action de résistance en province, a pu être manipulé inconsciemment ou même sciemment par la Gestapo, recherchant l'élimination d'un commandant réputé hostile au régime hitlérien, et une occasion d'importantes représailles ;
Attendu que les juges ont, à bon droit, retenu le caractère diffamatoire envers Gilbert B... des insinuations, articulées dans sa plainte, lui imputant d'avoir menti sur les circonstances de l'attentat, pour un motif inavouable, et le présentant comme un agent double ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... et X... coupables respectivement de diffamation et de complicité de diffamation à l'égard de Z..., et les a condamnés à des dommages-intérêts au profit de ce dernier ;
" aux motifs que les prévenus ne démontrent pas leur bonne foi ;
" alors que la recherche historique n'étant soumise à aucune disposition légale ou réglementaire, et tout citoyen ayant le droit d'émettre une opinion à propos d'un événement historique, le simple fait de ne pas avoir respecté telle ou telle méthode de recherche historique ne suffit pas à exclure la bonne foi de l'auteur ; que le fait d'émettre une hypothèse à propos de l'éventuelle intervention de la Gestapo dans l'exécution, par un FTP d'un officier de la Wehrmacht, relève de la liberté d'expression ; que ni l'absence de consultation de certains documents, ni l'absence d'interrogation directe de l'acteur principal de cette exécution, ne sont de nature à exclure la bonne foi, laquelle est, au contraire, caractérisée dès lors que l'auteur s'est exprimé avec prudence, qu'il a souligné à plusieurs reprises n'avoir émis qu'une hypothèse, qu'il s'est expressément et longuement référé aux différents écrits de l'auteur des faits, et qu'il a fait état de ses sources et de sa documentation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de bonne foi invoquée par les prévenus, et fondée sur la rigueur de la recherche préalable, les juges relèvent l'insuffisance de la précaution de style selon laquelle " Z... n'était pas un traître " ; qu'ils énoncent que X... a manqué de prudence et de rigueur en négligeant des sources importantes, en accordant crédit à la version d'une intervention de la Gestapo sans qu'un seul élément indiscutable permît de lui donner corps, en s'inspirant de déclarations d'un témoin resté anonyme, qui n'avait pas eu connaissance des faits eux-mêmes, et en se livrant à une critique abusive du récit de Z... ;
Attendu que par ces seules énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à apprécier la bonne foi en la personne de l'éditeur, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les imputations diffamatoires impliquent l'intention coupable de leur auteur ; que si le prévenu peut démontrer sa bonne foi par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve ; que la critique qui se prétend historique n'échappe pas à cette exigence ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-83690
Date de la décision : 16/05/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Composition - Greffier - Capacité - Présomption - Portée.

1° GREFFIER - Capacité - Présomption.

1° La mention de l'assistance de la cour d'appel par un fonctionnaire faisant fonction de greffier lors des débats, et par un greffier lors du prononcé de l'arrêt, implique la capacité de chacun d'eux(1).

2° JUGEMENTS ET ARRETS - Minute - Signature - Greffier - Greffier ayant assisté au prononcé.

2° GREFFIER - Signature - Jugements et arrêts - Minute - Greffier ayant assisté au prononcé.

2° Seule est requise sur la minute, en ce qui concerne le greffier, la signature de celui qui a assisté la cour d'appel lors du prononcé de l'arrêt(2).

3° PRESSE - Diffamation - Intention coupable - Preuve contraire - Bonne foi - Conditions - Critique historique et controverse politique.

3° Les imputations diffamatoires impliquent l'intention coupable de leur auteur. Si le prévenu peut démontrer sa bonne foi par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve. La critique qui se prétend historique n'échappe pas à cette exigence (3).


Références :

2° :
2° :
3° :
Code de l'organisation judiciaire L811-1
Code de procédure pénale 398-2, 486, 512
Décret du 18 août 1810
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, 32

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 13 juillet 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1977-05-11, Bulletin criminel 1977, n° 172, p. 426 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-03-16, Bulletin criminel 1989, n° 132, p. 340 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1993-01-13, Bulletin criminel 1993, n° 18, p. 35 (rejet). CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1965-12-15, Bulletin criminel 1965, n° 276, p. 622 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-07-26, Bulletin criminel 1989, n° 301, p. 734 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1985-11-19, Bulletin criminel 1985, n° 363 (2), p. 933 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mai. 1995, pourvoi n°93-83690, Bull. crim. criminel 1995 N° 175 p. 487
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 175 p. 487

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Coutard et Mayer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.83690
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