AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société La Mondiale, dont le siège est ... à Mons-en-Baroeul (Nord), en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1991 par la cour d'appel de Toulouse (4ème chambre sociale), au profit de M. Louis X..., demeurant ... (Haute-Garonne), défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 mars 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Monboisse, Merlin, conseillers, Melle Sant, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Boinot, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Mondiale a viré, à la suite d'un erreur informatique, au compte de l'un de ses agents démissionnaire, M. X..., une somme de 271 324,33 francs, virement porté au crédit de ce compte bancaire le 26 décembre 1988 ;
qu'informé de cette erreur le 29 décembre 1988, M. X... se reconnut débiteur dès le 6 janvier 1989 d'un trop perçu de 241 324,33 francs qu'il proposa de restituer à La Mondiale, estimant pour le surplus que la société restait lui devoir une somme globale de 30 000 francs ;
que, le 28 février 1989, il reçut mise en demeure de procéder au remboursement sous huitaine de 271 058,74 francs, compte tenu d'un crédit de 265,69 francs ;
que, le 8 mars 1989, il était procédé à un virement au compte de la société La Mondiale d'une somme de 241 313,91 francs ;
que celle-ci a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, outre le remboursement de la somme de 21 079,28 francs en principal auquel M. X... procéda par chèque du 16 mai 1990, le paiement des intérêts sur cette somme au taux légal à compter du 6 janvier 1989 jusqu'au jour du paiement, de la somme de 3 948,16 francs à titre d'intérêts sur la somme de 241 324,33 francs du 6 janvier au 8 mars 1989 et de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que La Mondiale fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant du retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance, que, dès lors, la cour d'appel, qui a expressément relevé la mauvaise foi du débiteur et le retard mis par M. X... au remboursement de la somme litigieuse à son employeur, a violé l'article 1153 alinéa 4 du Code civil par refus d'application ;
Mais attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve du litige, a tranché celui-ci conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1378 du Code civil ;
Attendu que, pour limiter à la période du 28 février au 8 mars 1989, la condamnation de l'agent au paiement des intérêts de retard au taux légal sur la somme de 241 313,91 francs, l'arrêt retient que sa mauvaise foi était évidente alors qu'ayant connaissance du virement à son compte de l'indû dès le 6 janvier 1989, il a usé de moyens dilatoires pour n'en effectuer le remboursement que deux mois plus tard et sous la contrainte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le débiteur de mauvaise foi est tenu de restituer les intérêts du jour du paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter La Mondiale de sa demande en paiement des intérêts de retard courus sur la somme de 21 079,28 francs due au titre du solde du trop perçu, pour la période du 6 janvier 1989 au 11 juillet 1990, l'arrêt énonce que le solde n'étant ni liquide ni exigible, compte tenu de la somme dont la société La Mondiale se reconnaissait débitrice par la suite à son égard, et du caractère sérieux, de ce fait, de la contestation soulevée par M. X... quant au montant de ce solde, il ne saurait être alloué à La Mondiale d'autres intérêts que ceux précédemment déterminés à défaut de mauvaise foi de l'intimé sur ce point ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si le débiteur est de bonne foi, les intérêts sur une somme indûment perçue sont dûs du jour de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le quatrième moyen,
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le paiement des intérêts de retard courus sur la somme de 241 313,91 francs et de ceux courus sur la somme de 21 079,28 francs due au titre du solde du trop perçu, l'arrêt rendu le 14 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Toulouse, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.