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12/04/1995 | FRANCE | N°92-21440

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 avril 1995, 92-21440


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société civile immobilière du centre commercial du Mesnil-Roux, dite SICMER, dont le siège social est sis ... (16ème), représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,

2 / la société Locabail Immobilier, dont le siège social est sis à Paris (16ème), ..., représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 1992 pa

r la cour d'appel de Paris (16e chambre, section B), au profit de :

1 / la société anonyme Bouc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société civile immobilière du centre commercial du Mesnil-Roux, dite SICMER, dont le siège social est sis ... (16ème), représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,

2 / la société Locabail Immobilier, dont le siège social est sis à Paris (16ème), ..., représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 1992 par la cour d'appel de Paris (16e chambre, section B), au profit de :

1 / la société anonyme Boucheries Bernard, dont le siège social est sis centre commercial Le Mesnil Roux à Barentin (Seine-Maritime), prise en la personne de ses président-directeur général, administrateurs et représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,

2 / M. Y..., demeurant ... du Temple à Paris (3ème), pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Boucheries Bernard,

3 / M. Z..., demeurant à Paris (6ème), ..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur au redressement judiciaire de la société Boucheries Bernard,

4 / M. Bernard A...,

5 / Mme Renée X... épouse A..., demeurant ensemble à Duclair (Seine-Maritime), chemin du Catel, défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCI du centre commercial du Mesnil-Roux et de la société Locabail Immobilier, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 1992), que le 19 novembre 1980, la société Locabail Immobilier, après une promesse de bail consentie par la société civile immobilière du centre commercial du Mesnil-Roux (SICMER), a donné en crédit-bail aux époux A... un local à usage commercial pour l'activité de charcutier-traiteur à l'exclusion de toute autre, en s'engageant à ne pas implanter dans le centre commercial une activité semblable ;

que, le 19 juin 1981, elle a signé avec la société Boucheries Bernard un contrat de crédit-bail sur des locaux affectés à l'usage de boucherie-triperie, volailles, à l'exclusion de la charcuterie et de l'activité de traiteur ;

que cette société s'étant livrée au commerce de charcutier malgré l'interdiction, les époux A... ont assigné la SICMER, la société Locabail Immobilier, ainsi que la société Boucheries Bernard pour faire interdire la concurrence et obtenir le paiement de dommages-intérêts ;

que la société Boucheries Bernard a fait l'objet d'un redressement judiciaire ;

Attendu que la SICMER et la société Locabail Immobilier font grief à l'arrêt d'accueillir la demande d'indemnisation, alors, selon le moyen, "1 ) que les actes de concurrence déloyale ou illicite que commet un locataire commerçant à l'encontre d'un co-locataire du même ensemble immobilier ne peuvent être imputés ni directement ni indirectement au bailleur commun, même si les baux respectifs des co-locataires contiennent respectivement une clause d'interdiction d'activité spécifique et une clause d'exclusivité de cette même activité, dès lors que le bailleur fait toute diligence pour faire respecter l'interdiction souscrite sous menace de poursuite judiciaire et que l'arrêt, qui constate que la société Locabail Immobilier avait mis en demeure la société Boucheries Bernard de respecter l'interdiction souscrite de vendre de la charcuterie qu'elle avait violée sciemment, ne pouvait valablement sanctionner cette "initiative", assortie d'une menace de poursuite judiciaire, en retenant la responsabilité de la bailleresse envers les époux A..., victimes d'une concurrence illicite ;

que l'arrêt a donc violé, ensemble, les articles 1382 du Code civil et 1142 et 1719-3 du même Code ;

2 ) que l'arrêt a méconnu la loi de la contre-lettre du 4 mars 1980 qui, si elle instaurait au profit des époux A... une exclusivité pour l'activité de charcuterie-traiteur dans l'ensemble immobilier, en précisait aussi la condition d'application à la charge du bailleur qui "s'engage à ne pas implanter dans le centre commercial... une activité semblable ou similaire" ;

que cette obligation corrélative a été respectée par le bailleur qui avait fait insérer, dans l'acte de crédit-bail souscrit par la société Boucheries Bernard, une clause d'exclusion de cette même activité et qui avait tenté de faire cesser les infractions dès l'origine par une mise en demeure du 21 janvier 1985 qui devait être réitérée par sommation subséquente visant la clause résolutoire ;

que l'arrêt a donc violé l'article 1134 du Code civil ;

3 ) qu'enfin, l'obligation du bailleur de faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail s'entend exclusivement de la jouissance matérielle des lieux loués et ne peut s'étendre au trouble commercial découlant de la concurrence entre deux co-locataires, dès lors que, comme en l'espèce, le bailleur ne peut faire respecter la clause d'exclusivité que par le moyen de mises en demeure avec menace de poursuites judiciaires ;

que l'arrêt a donc violé les articles 1134, 1142 et 1719-3 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Boucheries Bernard avait commis une faute en violant l'interdiction de vendre de la charcuterie ayant entraîné un préjudice à l'égard des époux A... et qu'une contre-lettre ajoutait une clause d'exclusivité au contrat de crédit-bail obligeant la bailleresse à l'égard des preneurs, la cour d'appel a, sans dénaturation, retenu, à bon droit, que la société Locabail Immobilier ne pouvait se dégager de sa responsabilité seulement par une mise en demeure adressée à la société Boucheries Bernard de respecter l'interdiction qu'elle avait souscrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter le recours en garantie formé contre la société Boucheries Bernard, par la société Locabail Immobilier, l'arrêt retient que cette dernière ne peut présenter une telle demande dès lors que la dette de la société Boucheries Bernard est éteinte à l'égard des époux A... à défaut pour eux d'avoir déclaré leur créance et ne peut revivre sous forme d'un appel en garantie ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la dette de la société Boucheries Bernard était également éteinte à l'égard de la société Locabail Immobilier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté la société Locail Immobilier de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Boucheries Bernard, l'arrêt rendu le 18 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Boucheries Bernard aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze avril mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 92-21440
Date de la décision : 12/04/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(sur le 1er moyen) BAIL COMMERCIAL - Bailleur - Responsabilité - Location de locaux distincts - Premier location pour l'exercice d'un commerce déterminé, le bailleur s'engageant à ne pas autoriser par ailleurs ce même commerce - Seconde location interdisant au preneur l'exercice dudit commerce - Violation, par le preneur du second commerce, de l'interdiction stipulée - Envoi par le bailleur au premier fautif d'une mise en demeure de respecter l'interdiction - Caractère insuffisant.


Références :

Code civil 1134, 1142 et 1719-3°

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (16e chambre, section B), 18 septembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 avr. 1995, pourvoi n°92-21440


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.21440
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