AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Manuel X..., demeurant ... (Yvelines),
2 / Mme Jeannine X..., épouse Y..., demeurant ... (Yvelines),
3 / de Mme Françoise X..., épouse A..., demeurant ... (9e), en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 1992 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), au profit :
1 / de M. Erick Z...,
2 / de Mme Z...,
3 / de M. Philippe Z..., demeurant ensemble ... (Yvelines), défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Peyre, conseiller rapporteur, M. Douvreleur, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Peyre, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des consorts X..., de Me Cossa, avocat des consorts Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X..., propriétaires d'une exploitation agricole donnée à ferme aux époux Z..., font grief à l'arrêt attaqué (Orléans, 25 mars 1992), statuant sur renvoi après cassation, d'autoriser la cession du bail par les preneurs à leur fils, Philippe, alors, selon le moyen, "1 / que tant que l'autorisation de céder n'a pas été accordée par une décision passée en force de chose jugée, le bénéficiaire désigné de la cession ne peut se prévaloir de la qualité de cessionnaire ;
que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que le jugement du 7 novembre 1986, par lequel le tribunal paritaire des baux ruraux de Mantes-La-Jolie avait autorisé la cession du bail, qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, avait été frappé d'appel et n'était donc pas définitif au jour de la notification de la cession, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 411-35 et L. 411-36 du Code rural ;
2 / que la mention "Dont acte sous toutes réserves" constituait une simple formule de style de la nature de celle habituellement portée par l'auxiliaire de justice en bas de l'acte qu'il rédige et ne pouvait contenir l'expression de la volonté des cédants d'assortir leur acte d'une quelconque condition suspensive ;
que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la mention incriminée insérée dans l'acte du 24 mars 1987, violant l'article 1134 du Code civil ;
3 / qu'en toute hypothèse, à supposer même que la cession de bail, notifiée le 24 mars 1992, fût faite sous condition suspensive d'une confirmation du jugement ayant autorisé l'opération, celle-ci ne pouvait être rétroactivement validée en l'absence d'une décision définitive et ayant autorité de chose irrévocablement jugée, constatant l'accomplissement de la condition et confirmant le jugement autorisant la cession, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 411-35 du Code rural" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la notification de la cession avait été faite "sous toutes réserves", la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'elle ne pouvait avoir une autre portée que celle d'une cession sous condition suspensive d'une confirmation du jugement, a, en confirmant celui-ci, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 411-30 II du Code rural, ensemble l'article 1719 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner les bailleurs à effectuer les travaux préconisés par l'expert, l'arrêt retient que les conclusions de son rapport ne permettaient ni d'écarter le défaut d'entretien des bâtiments, ni d'assimiler au cas fortuit une vétusté qualifiée d'irrémédiable ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le défaut d'entretien était imputable aux bailleurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les bailleurs à faire effectuer les travaux préconisés par l'expert, l'arrêt rendu le 25 mars 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne les consorts Z..., envers les demandeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Orléans, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze avril mil neuf cent quatre-vingt-quinze.