AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Eriau et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège social est sis aux Sables d'Olonne (Vendée), Centre de Marée n 30, en cassation d'un arrêt rendu le 2 avril 1992 par la cour d'appel de Paris (3ème chambre, section B), au profit de M. Jean Albert X..., demeurant ... à Fleury d'Aude (Aude), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 22 février 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire, rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Badi, Armand Prévost, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Eriau et fils, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 1992) , que la société à responsabilité limitée Jean Girard (société Girard), dont M. X... était gérant, n'a pas réglé à la société Eriau et fils (société Eriau) le prix de marchandises que celle-ci lui avait livrées ;
qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Girard, la société Eriau, reprochant à M. X... des fautes commises dans sa gestion, l'a assigné, sur le fondement de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966, en paiement de sa facture ;
Attendu que la société Eriau reproche à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable alors, selon le pourvoi, que le créancier d'un débiteur en liquidation judiciaire est recevable à poursuivre individuellement un dirigeant social qu'il prétend responsable du préjudice personnel par lui subi, dès lors que les personnes visées à l'article 183 de la loi du 25 janvier 1985 n'ont pas exercé l'action qu'elles tiennent des pouvoirs que leur confère la loi pour réclamer à ce dirigeant social le comblement du passif ou des dommages-intérêts à raison du préjudice causé aux créanciers ;
qu'ainsi en déclarant irrecevable l'action de la société Eriau tendant, sur le fondement du droit commun, à obtenir l'indemnisation de sa part dans le préjudice collectif subi par les créanciers, bien qu'il résultât de ses propres constatations que le tribunal n'avait pas été saisi d'une action contre le gérant de la société par les personnes visées à l'article 183 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel, en appliquant faussement l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société à responsabilité limitée fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de la loi du 25 janvier 1985, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 et qu'un créancier est donc irrecevable à exercer contre le gérant à qui il impute des fautes de gestion l'action en réparation du préjudice résultant du non paiement de sa créance ;
que la cour d'appel en a exactement déduit, après avoir constaté l'insuffisance d'actif de la société Girard, que la société Eriau ne pouvait rechercher la responsabilité personnelle de M. X..., peu important que celui-ci n'ait pas été poursuivi en paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eriau, envers le Trésorier payeur général, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze avril mil neuf cent quatre-vingt-quinze.