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05/04/1995 | FRANCE | N°94-82963

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 avril 1995, 94-82963


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq avril mil neuf cent quatre vingt quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FAYET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- D'X... Laura, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 8 avril 1994, qui, pour

infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules, l'a condamnée...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq avril mil neuf cent quatre vingt quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FAYET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- D'X... Laura, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 8 avril 1994, qui, pour infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules, l'a condamnée à 87 amendes de 250 francs et à 10 amendes de 600 francs ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe général du secret des délibérations, des articles 32, 462, 510, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la chambre correctionnelle était composée lors des débats et du délibéré de M. Sauret président, M. Y... et Mme Petot conseillers, Mme Grisval greffier ;

"alors que les délibérations des magistrats doivent être secrètes ;

que cette règle de droit public assure l'indépendance de la justice et de l'autorité morale des décisions ;

qu'en l'espèce, il résulte des mentions mêmes de l'arrêt attaqué que le greffier a délibéré avec les magistrats ;

que dès lors, statuant dans de telles circonstances, la cour d'appel a violé le principe fondamental du secret du délibéré et les articles susvisés" ;

Attendu que la mention de l'arrêt selon laquelle il a été délibéré conformément à la loi établit que ni le ministère public ni le greffier n'ont participé à cette délibération ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, des articles 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Laura d'X... coupable d'infractions au Code de la route pour non-affichage du ticket horodateur sur véhicule automobile et pour stationnement irrégulier à raison de dépassement de la durée autorisée ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que les contraventions sont constituées, la preuve contraire aux énonciations des procès-verbaux n'étant pas rapportée ;

que leur multiplicité révèle de la part de la prévenue l'intention systématique de se soustraire à une réglementation édictée dans l'intérêt général ;

"alors que le juge du fond a l'obligation de préciser le texte de loi érigeant en infraction les faits motivant la poursuite ;

que par suite, en s'abstenant, en l'espèce, pour déclarer les contraventions constituées, de préciser en vertu de quel arrêté préfectoral la durée de stationnement à Paris a été limitée, ni en vertu de quel règlement les stationnements litigieux étaient payants, et donc sans spécifier en vertu de quels textes le non-respect de ces mesures constituerait une contravention pénale, la cour d'appel a violé les articles susvisés" ;

Attendu que, d'une part, l'omission du visa, au dispositif, des textes de loi appliqués ne saurait donner lieu à cassation dès lors qu'il n'existe aucune incertitude sur la nature de l'infraction retenue ni sur les textes dont il a été fait application ;

que, d'autre part, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement déféré, dont elle a expressément adopté les motifs, n'encourt pas d'avantage le grief d'insuffisance étant observé, au demeurant, que Laura d'X..., appelante, mais non comparante, n'a pas fait valoir, dans ses conclusions écrites, de contestation relative à l'imprécision des textes de loi devant la juridiction du second degré ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 9, 529-2, 530, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6-3,1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Laura d'X... du chef de 97 contraventions à la réglementation du stationnement des véhicules à Paris ;

"aux motifs qu'il est constant qu'en matière d'amende forfaitaire la prescription de l'action publique commence à courir, faute de paiement de l'amende forfaitaire ou de requête tendant à son exonération trente jours après la commission de la contravention ;

qu'elle est interrompue par le titre exécutoire rendu par le ministère public (procédure prévue par l'article 529-2 du Code de procédure pénale), titre qui doit intervenir dans le délai d'une année ;

que la signature de ce titre fait courir la prescription de la peine (article 530, alinéa 1, du Code de procédure pénale) c'est-à -dire le délai de deux ans ouvert à l'intéressé pour former sa réclamation dans la mesure où il n'a pas eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée ;

que l'article 530 du Code de procédure pénale prévoit que le ministère public signe un récapitulatif ;

qu'il n'est donc pas nécessaire d'établir un titre séparé, la juridiction du siège n'intervenant pas encore à ce stade de la procédure ;

que la réclamation de l'intéressé entraîne l'annulation du titre exécutoire et la reprise des poursuites et a donc, pour effet, à compter de sa réception par le ministère public de remettre en mouvement l'action publique, les règles de la prescription reprenant vigueur ;

qu'il convient donc qu'un acte de poursuite intervienne alors dans le délai d'un an ;

que cet acte de poursuite peut consister dans un mandement de citation adressé à un huissier, un tel mandement étant interruptif (cass. crim. 28 janvier 1988, Bull. crim. n 44) ;

qu'il peut consister également dans le réquisitoire aux fins de citation par lequel le ministère public manifeste sa volonté de réprimer les contraventions (cass. crim. BANCTEL) ;

qu'en l'espèce, la prescription a été valablement interrompue dans l'année de la constatation des infractions par l'émission des états exécutoires, dans les deux années suivantes par les réclamations de l'intéressé et enfin dans l'année des réclamations par les citations ;

"alors que, d'une part, ne sont interruptifs de prescription que les actes de poursuite qui sont réguliers en la forme ;

qu'est entaché d'irrégularité le titre exécutoire qui a été annulé par suite de la réclamation du contrevenant adressée au ministère public ;

que dès lors, en considérant que la prescription avait été valablement interrompue par l'émission des états exécutoires, dont elle reconnait qu'ils ont été contestés et par suite annulés, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

"alors que, d'autre part, seuls les actes d'instruction ou de poursuite dont l'objet est de constater les délits et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs, sont susceptibles d'interrompre la prescription de l'action publique ;

que ces actes sont délivrés à la diligence des parties poursuivantes, soit le ministère public, le juge d'instruction ou les officiers de police judiciaire ou fonctionnaires assermentés et autorisés à dresser des procès-verbaux d'infraction ;

que dès lors, en considérant que la prescription avait été valablement interrompue par les réclamations de l'intéressée, la cour d'appel a derechef violé les articles susvisés ;

"alors qu'en outre, la réclamation faite par le contrevenant prévue à l'article 530, alinéa 2, du Code de procédure pénale n'est pas interruptive de prescription ;

qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

"alors qu'enfin, la demanderesse faisait valoir dans des conclusions régulièrement déposées que les titres exécutoires ont été établis contrairement aux principes posés par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par un "tribunal" qui n'était pas indépendant, ni impartial, s'agissant en l'espèce de l'officier du ministère public qui se trouve être tout à la fois indépendant de sa hiérarchie, et "juge et partie" dans ces affaires ;

que pour cette raison, les titres exécutoires doivent donc être considérés comme irréguliers et partant, insusceptibles d'avoir interrompu la prescription ;

que ces conclusions étaient déterminantes car elles invitaient les juges du fond à s'interroger sur le point de savoir si le titre exécutoire délivré par un représentant du parquet, c'est-à -dire par la partie poursuivante, garantissait de la même façon les droits du contrevenant, et ce, au même titre que le jugement rendu par un tribunal indépendant et impartial ;

qu'en s'abstenant néanmoins de répondre à cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, qu'en matière d'amende forfaitaire, elle "est interrompue par le titre exécutoire rendu par le ministère public" ;

Que les juges retiennent, d'autre part, que "la réclamation de l'intéressé entraîne l'annulation du titre exécutoire et la reprise des poursuites et a donc pour effet, à compter de sa réception par le ministère public, de remettre en mouvement l'action publique, les règles de la prescription reprenant vigueur" ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, le visa du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, par lequel le ministère public manifeste sa volonté de voir réprimer la contravention, s'il intervient dans l'année de l'infraction, constitue un acte interruptif de la prescription à partir duquel court un nouveau délai d'un an et qui ne saurait être effacé rétroactivement par la réclamation postérieure du contrevenant, laquelle a pour seul effet d'annuler le titre en ce qu'il a un caractère exécutoire ;

Attendu qu'enfin, les juges du second degré n'avaient pas à répondre aux conclusions arguant de la nullité des titres exécutoires au regard de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cette exception n'avait pas été soumise au préalable au tribunal de police ;

Qu'ainsi, le moyen pour partie irrecevable, ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 du décret du 22 avril 1790, de l'article L. 131-5 du Code des communes, de l'article 4 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Laura d'X... coupable de contravention aux règles de stationnement payant ;

"aux motifs que la règle générale posée par l'article 7 du décret du 22 avril 1790 en ce qui concerne les revenus des domaines nationaux obligeant le débiteur à faire l'appoint et à se procurer le numéraire nécessaire pour solder exactement la somme dont il est redevable, est toujours en vigueur ;

que suivant les termes mêmes de ce texte, elle a pour but d'éviter toutes discussions dans les paiements et trouve son exacte application en l'espèce ;

il appartient, en conséquence, à l'usager d'un emplacement de stationnement payant de se munir des moyens nécessaires au paiement de sa redevance ;

"alors que les redevances du stationnement payant sur les voies des agglomérations constituant des revenus du domaine public communal et non du domaine public national, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que l'article 7 du décret du 22 avril 1790 -imposant au débiteur de faire l'appoint en numéraire- édicte une règle d'ordre dans les comptes que l'usage a détachée de son contexte d'origine ; qu'en la déclarant applicable au paiement de la redevance en matière de stationnement payant dès lors qu'au surplus, cette obligation faite au débiteur est rappelée, sous une autre forme, par l'article 1243 du Code civil et que le paiement de la redevance ne s'impose qu'au seul usager désireux d'utiliser l'aire de stationnement réglementée et qui est ainsi tenu de se conformer aux modalités régulièrement fixées et publiées par l'autorité publique, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes ci-dessus visés ;

Que le moyen est dès lors sans fondement ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Hébrard conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Fayet conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Massé, Fabre, Mme Baillot, MM. Aldebert, Grapinet, Le Gall conseillers de la chambre, MM. Nivôse, Poisot conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; 1


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-82963
Date de la décision : 05/04/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20ème chambre, 08 avril 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 avr. 1995, pourvoi n°94-82963


Composition du Tribunal
Président : Président : M. HEBRARD conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.82963
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