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28/02/1995 | FRANCE | N°94-82040

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 1995, 94-82040


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 mars 1994, qui dans la procédure suivie notamment contre A..., B..., C..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 30, 31, 48, 50 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de p

rocédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce q...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 mars 1994, qui dans la procédure suivie notamment contre A..., B..., C..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 30, 31, 48, 50 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de X..., maire de Z... ;
" aux motifs que, dans sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 25 mars 1993 devant le doyen des juges d'instruction, X... avait expressément indiqué qu'il agissait en sa qualité de maire de la commune de Z... ; qu'il visait dans sa plainte l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 qui réprime les diffamations envers les corps constitués ; qu'il avait ainsi déposé une plainte avec constitution de partie civile en sa qualité de maire, donc au nom de la commune de Z... sans que l'exercice de cette action en justice ait au préalable été autorisé par une délibération du conseil municipal ; que, par la délibération en date du 24 mars 1989, le conseil municipal ne l'avait pas expressément autorisé à exercer une action en justice pour demander réparation des délits de diffamation dont il serait victime dans l'exercice de ses fonctions de maire ;
" alors, d'une part, que le maire d'une commune diffamé en sa qualité de maire n'a nullement besoin, pour agir en diffamation, d'y être autorisé par l'organe délibérant de la commune ; qu'en décidant que la plainte avec constitution de partie civile déposée par X... agissant en son nom en sa qualité de maire pour des faits portant atteinte à son honneur et à sa considération personnels et non à la considération de la commune, n'était pas recevable pour n'avoir pas été au préalable autorisée par une délibération du conseil municipal, la chambre d'accusation a violé les textes dont elle a prétendu faire application ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des termes de la plainte avec constitution de partie civile que X... considérait que le tract incriminé comportait des allégations mensongères qui portaient atteinte à son honneur ou à sa considération en sa qualité de maire, citoyen chargé d'un mandat public, à titre personnel et non à la commune de Z... ; qu'il visait expressément, dans la citation, l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 relatif à la diffamation commise à raison de leurs fonctions ou de leur qualité envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public ; qu'en décidant que la plainte de X... qui visait aussi surabondamment l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 visait l'atteinte aux corps constitués cependant que les termes de la plainte ne faisaient absolument aucune référence à une atteinte aux corps constitués et que les faits incriminés ne visaient pas la commune, mais seulement son maire, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que le fait, pour un plaignant, de viser aussi dans sa plainte avec constitution de partie civile un texte de loi inapplicable à la diffamation qu'il poursuit n'a aucune incidence sur la validité et la recevabilité de la poursuite dès lors que le fait a été régulièrement qualifié et que le texte applicable a été également visé ; qu'en effet, en pareil cas, aucune incertitude ne peut en résulter pour le prévenu quant aux infractions dont il doit répondre ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que X... a porté plainte en se déclarant expressément diffamé en tant que maire de la commune, citoyen chargé d'un mandat public ; qu'à aucun moment la plainte n'énonce que la diffamation atteignait aussi la commune en tant que corps constitué ; que, dès lors, le visa surabondant de l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 ne pouvait avoir pour effet de rendre irrecevable la constitution de partie civile du maire agissant à titre personnel en qualité de citoyen chargé d'un mandat public diffamé et non en qualité de représentant de la commune, corps constitué qui n'avait fait l'objet d'aucune diffamation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon le dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, en cas de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, la poursuite peut être exercée à la requête de la partie lésée ; que la plainte avec constitution de partie civile, dénonçant une infraction de cette nature, et contenant les mentions exigées par l'article 50 de ladite loi, constitue l'acte initial de la poursuite, mettant l'action publique en mouvement, dès que la consignation a été faite ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 26 mars 1993, X..., " agissant en qualité de maire de la commune de Z... ", a porté plainte avec constitution de partie civile, contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, en visant les articles 23, 29, alinéa 1, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la plainte a incriminé un tract anonyme, distribué pendant la campagne en vue des élections législatives du même mois, intitulé " Une discrimination inadmissible ! Le maire X... favorise outrageusement les constructions des équipements collectifs privés au mépris des particuliers et de l'environnement " ; que les passages suivants du tract ont été spécialement articulés :
" diminution des espaces verts, malgré les promesses électorales de X... en 1989 ",
" Vous êtes aussi menacés d'une pareille spoliation ",
" X..., persistant dans sa politique pernicieuse a aussitôt accordé une nouvelle autorisation pour une extension encore plus grande encourageant la poursuite de la construction au mépris de ses administrés qu'il bafoue ouvertement, scandaleusement ",
" dès maintenant, jugez, condamnez, évincez X... Demain il sera trop tard " ;
Attendu qu'en exécution de l'ordonnance fixant le montant de la consignation, celle-ci a été effectuée, le 16 avril 1993, par l'avocat de X... ; que le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information, contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, en articulant le contenu intégral du tract et en visant les articles 23, 29, alinéa 1, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que trois des sept personnes mises en examen ayant contesté la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de X..., le juge d'instruction a rejeté cette contestation, par ordonnance du 26 janvier 1994 ;
Attendu que pour infirmer cette ordonnance, et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de X..., l'arrêt attaqué se fonde sur un acte en forme d'arrêté, daté du 23 et non 20 mars 1993, figurant au dossier, intitulé " décision d'ester en justice ", par laquelle le maire décide d'ester en justice au nom de la commune de Z... ; que les juges considèrent que la plainte déposée par X... en qualité de maire de la commune, en visant l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881, a été faite au nom de la commune, et qu'elle ne pouvait être effectuée, selon l'article L. 316-1 du Code des communes, sans que l'exercice de cette action en justice ait été au préalable autorisé par une délibération du conseil municipal ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acte initial de la poursuite articulait les faits incriminés, les qualifiait de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, et visait l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, comportant un renvoi à l'article 30 de cette loi pour les pénalités applicables, et alors que la mention de la qualité de maire justifiait la qualification retenue par la plainte, qui n'était pas intentée au nom de la commune, ni à titre personnel de simple particulier, la chambre d'accusation, qui s'est référée à un document inopérant, a privé sa décision de base légale ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que la Cour de Cassation trouve ainsi les éléments lui permettant, en application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, de rejeter la contestation de la constitution de partie civile de X... ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 mars 1993 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire,
DECLARE recevable la constitution de partie civile de X... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi, l'information devant être poursuivie par le juge d'instruction saisi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-82040
Date de la décision : 28/02/1995
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Diffamation ou injures envers un citoyen chargé d'un mandat public - Plainte avec constitution de partie civile - Recevabilité.

1° Selon le dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, en cas de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, la poursuite peut être exercée à la requête de la partie lésée(1)(1). La plainte avec constitution de partie civile, émanant du maire d'une commune, dénonçant une infraction de cette nature dans un tract électoral, et contenant les mentions exigées par l'article 50 de ladite loi, constitue l'acte initial de la poursuite, mettant l'action publique en mouvement, dès que la consignation a été faite(2). La portée de cet acte ne peut être modifiée par un acte administratif postérieur en forme d'arrêté municipal, qui est inopérant.

2° CASSATION - Cassation sans renvoi - Application de la règle de droit appropriée - Article L - du Code de l'organisation judiciaire.

2° Encourt la cassation l'arrêt de la chambre d'accusation qui, saisie de la contestation de la constitution de partie civile du maire, déclare celle-ci irrecevable, en déduisant de l'acte inopérant que la plainte aurait émané de la commune. Il appartient à la Cour de Cassation de déclarer la constitution de partie civile recevable, en application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, la cassation étant prononcée sans renvoi(3).


Références :

1° :
2° :
Code de l'organisation judiciaire L131-5
Loi du 29 juillet 1881 art. 48

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre d'accusation), 22 mars 1994

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1984-05-11, Bulletin criminel 1984, n° 170 (1), p. 443 (cassation). CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1994-01-18, Bulletin criminel 1994, n° 25, p. 46 (rejet). CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1980-01-02, Bulletin criminel 1980, n° 2, p. 3 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1980-12-02, Bulletin criminel 1980, n° 327, p. 840 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1981-03-17, Bulletin criminel 1981, n° 97, p. 267 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1984-02-28, Bulletin criminel 1984, n° 80, p. 199 (rejet). CONFER : (2°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1984-11-06, Bulletin criminel 1984, n° 338, p. 895 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1985-03-12, Bulletin criminel 1985, n° 107, p. 282 (cassation sans renvoi et irrecevabilité) ;

Chambre criminelle, 1986-04-09, Bulletin criminel 1986, n° 122, p. 313 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 1995, pourvoi n°94-82040, Bull. crim. criminel 1995 N° 88 p. 221
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 88 p. 221

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, Mme Baraduc-Bénabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.82040
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