AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit janvier mil neuf cent quatre vingt quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me X... et de Me Le PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Janine, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 15 novembre 1993, qui, dans la procédure suivie contre Françoise Z... pour blessures involontaires, a statué sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1134 du Code civil ;
"en ce que la cour d'appel a fixé à la somme de 12O 000 francs l'incapacité avec retentissement professionnel subie par la victime d'un accident de la circulation ;
"aux motifs que "l'expert médical relève que Janine Y... ne peut plus reprendre la profession qu'elle exerçait antérieurement ce qui permet de considérer qu'elle subit une incapacité avec retentissement professionnel que la Cour estime équitable de maintenir à la somme retenue par le tribunal et à l'encontre de laquelle la partie civile n'a pas fait appel...120 000 francs" ;
"alors que la demanderesse avait expressément fait valoir dans ses conclusions devant la Cour que la somme de 120 000 francs allouée par les premiers juges à la suite de son arrêt d'activité professionnelle était insuffisante et qu'une somme de 500 000 francs à ce titre était équitable ;
que la Cour, qui relève que la partie civile n'a pas fait appel de la décision des premiers juges sur ce point, a dénaturé les conclusions de la demanderesse et a violé l'article 1134 du Code civil" ;
Vu l'article 509 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ;
Attendu que pour rejeter la demande de la partie civile qui concluait à l'augmentation de la somme allouée par le tribunal en réparation de son incapacité permanente partielle et confirmer le montant de l'indemnité fixé de ce chef par les premiers juges, l'arrêt attaqué énonce que la victime n'a pas relevé appel de cette disposition du jugement ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que, contrairement aux énonciations de l'arrêt, la partie civile n'avait pas limité son recours, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen proposé,
CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 15 novembre 1993, mais seulement en ce qu'il a statué sur le préjudice soumis à recours de la partie civile, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Souppe conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Jean Simon, Blin, Carlioz, Jorda, Pibouleau, Grapinet conseillers de la chambre, Mme Verdun conseiller référendaire, M. Dintilhac avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;