CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Syndicat des horlogers et bijoutiers du Morbihan, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 1er avril 1993, qui, dans la procédure suivie contre Maryvonne X..., épouse Y..., des chefs de vente au déballage sans autorisation ou dans des conditions irrégulières et publicité mensongère, après relaxe de la prévenue, l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, 1er de la loi du 30 décembre 1906 et 6. 4° et 6. 7° du décret du 26 novembre 1962 :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré illégal l'article 6. 4° et 7° du décret du 26 novembre 1962 précisant les modalités d'application de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, et d'avoir relaxé Maryvonne X..., épouse Y..., des chefs d'infraction à cette loi ;
" aux motifs que l'article 6 du décret, dont le paragraphe 4 impose au vendeur de justifier de sa qualité de propriétaire des marchandises, alors que la loi n'avait pas prévu une telle obligation, et dont le paragraphe 7 impose au vendeur de justifier qu'il était en possession des marchandises depuis 3 mois au moins à la date de la demande, alors que la loi avait édicté que pendant la durée de la liquidation il serait interdit au vendeur de recevoir d'autres marchandises que celles figurant à l'inventaire, impose des conditions plus strictes que la loi, de sorte que l'article 6. 4° et 7° est entaché d'illégalité ;
" alors, d'une part, que l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906 précise que le demandeur pourra être tenu de justifier de la provenance des marchandises par la production de ses livres et de ses factures, ce qui implique nécessairement qu'il doit s'agir de marchandises dont il est propriétaire ; que, dès lors, l'article 6. 4° du décret du 26 novembre 1962, précisant que le vendeur est tenu, à l'appui de sa demande d'autorisation, de justifier de sa qualité de propriétaire des marchandises, ainsi que de leur provenance, par la production de ses livres et factures, n'a pas pour effet d'aggraver les conditions exigées par la loi, relatives aux ventes-liquidations, mais ne fait que préciser les modalités d'application de cette loi ; qu'en estimant le contraire, pour déclarer cette disposition entachée d'illégalité, l'arrêt attaqué a violé les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958, l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906 et l'article 6. 4° du décret du 26 novembre 1962 ;
" alors, d'autre part, que l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906, qui précise que le demandeur sera tenu de fournir un inventaire détaillé des marchandises à liquider, et ne pourra, pendant la durée de la liquidation, recevoir d'autres marchandises que celles figurant à l'inventaire, fait apparaître la finalité de cette loi qui est d'empêcher, sous la fiction d'une liquidation de stock, la vente de marchandises achetées spécialement en vue de cette liquidation ; que, dès lors, l'article 6. 7° du décret du 26 novembre 1962, précisant que le vendeur est tenu, à l'appui de sa demande d'autorisation de procéder à des liquidations, de justifier qu'il est en possession des marchandises à écouler depuis 3 mois au moins, n'institue pas une condition plus sévère, mais constitue une simple modalité d'application adaptée à la finalité de la loi ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, en l'estimant entaché d'illégalité, a violé les articles 34 et 37 de la Constitution, 1er de la loi du 30 décembre 1906 et 6. 7° du décret du 26 novembre 1962 " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 30 décembre 1906 :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite du chef de publicité trompeuse ;
" aux motifs que l'illégalité affectant l'article 6. 7° de la loi (sic) interdit d'invoquer cette disposition contre Maryvonne Y... ;
" alors, d'une part, que la cassation, intervenant sur le premier moyen, de l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à l'exception d'illégalité de l'article 6, 7° du décret du 26 novembre 1962 entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt en ce qu'il a dit que l'illégalité de ce texte interdit de l'invoquer contre Maryvonne Y... ;
" alors, d'autre part, que Maryvonne Y... était poursuivie pour publicité fausse quant aux motifs ou procédés de vente ; qu'indépendamment de son décret d'application, la loi du 30 décembre 1906 interdit, dans sa finalité, la constitution d'un stock en vue de sa liquidation ; qu'il n'est pas contesté que Maryvonne Y... a acheté la moitié de son stock à liquider entre le 4 juillet et le 14 août 1991, et qu'elle a déposé sa demande d'autorisation le 2 août 1991 ; qu'il était, dès lors, manifeste qu'une partie importante du stock avait été achetée en vue de la liquidation portant sur la totalité du stock, ce qui est contraire à la finalité de la loi du 30 décembre 1906 ; qu'il y avait donc bien tromperie sur les motifs de la liquidation ; qu'en relaxant Maryvonne Y... du chef de publicité trompeuse, l'arrêt attaqué a violé les articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de loi du 30 décembre 1906 " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité des actes réglementaires lorsque de cet examen dépend la solution du procès qui leur est soumis, elles ne sauraient déclarer illégal un décret pris pour l'application d'une loi comportant des dispositions répressives que dans le cas où ledit décret en étend ou en modifie la portée ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Maryvonne X..., épouse Y..., présidente du conseil d'administration de la société Y...-X..., ayant pour objet l'exploitation d'un commerce d'horlogerie-bijouterie, a été autorisée, par arrêté municipal, à procéder à la liquidation totale des marchandises ; qu'au cours de cette opération, des enquêteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes ont relevé que cette liquidation ne répondait pas aux conditions prévues pour les ventes au déballage et qu'une publicité trompeuse avait été diffusée ; que Maryvonne X... est poursuivie pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906, des articles 2, 3, 6. 4° et 7° du décret du 26 novembre 1962, pris pour son application, et de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 ;
Attendu que, pour la déclarer coupable de ces infractions, après avoir écarté l'exception d'illégalité du décret du 26 novembre 1962 régulièrement soulevée avant toute défense au fond, les juges du premier degré ont retenu que la structure et les conditions d'exploitation du commerce de la SA Y...-X... n'avaient pas été notablement modifiées pour justifier une liquidation totale des marchandises comme le prévoit l'article 3 du décret précité, que les marchandises mises en vente au cours de la liquidation n'étaient pas toutes en possession de la société Y...-X... depuis au moins 3 mois et qu'ainsi, les conditions prévues aux articles 6. 4° et 7° du même décret n'avaient pas davantage été respectées ; qu'enfin le délit de publicité mensongère était caractérisé puisqu'une partie des marchandises mises en vente ne figurait pas dans l'inventaire détaillé annexé à la demande d'autorisation de la liquidation totale ;
Attendu que, pour déclarer illégales les dispositions de l'article 6. 4° et 7° du décret du 26 novembre 1962, la cour d'appel relève qu'en exigeant du vendeur qu'il soit propriétaire des marchandises liquidées et en lui imposant de justifier qu'il est en possession de ces marchandises depuis au moins 3 mois, le décret a ajouté des conditions supplémentaires à celles prescrites par la loi et est ainsi entaché d'illégalité ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le décret précité ne fait que préciser les modalités d'application de la loi du 30 décembre 1906, laquelle définit, à elle seule, les éléments de l'infraction, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe sus-énoncé, repris à l'article 111-5 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu qu'en raison du lien de connexité existant entre les diverses infractions reprochées à la prévenue, la cassation doit être totale ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 1er avril 1993, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.