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04/01/1995 | FRANCE | N°93-82698

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 1995, 93-82698


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- l'Union départementale des associations familiales, agissant en qualité de tuteur de Maklouf X..., partie civile,
- la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, du 5 mai 1993, qui, dans les poursuites exercées contre Michel Y... pour coups ou violences volontaires avec arme, a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et

en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la caisse primai...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- l'Union départementale des associations familiales, agissant en qualité de tuteur de Maklouf X..., partie civile,
- la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, du 5 mai 1993, qui, dans les poursuites exercées contre Michel Y... pour coups ou violences volontaires avec arme, a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence et pris de la violation des articles 69 du Code pénal, 1384, alinéa 1er, du Code civil, 473, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que la mise en cause de l'APASE devant la chambre correctionnelle de la Cour n'est pas recevable sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
" aux motifs qu'il est constant que Y... lors de la scène de violences litigieuses avait la qualité d'adulte handicapé mental placé en Centre d'aide par le travail (CAT) ; que l'assemblée plénière de la Cour de Cassation, dans son arrêt du 29 mars 1991, a décidé que dès lors qu'un CAT, géré par une association, était destiné à recevoir des personnes handicapées mentales, encadrées dans un milieu protégé, et que l'handicapé mental qui avait mis le feu à une forêt était soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée, ladite association devait répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; mais que cette décision de la Cour de Cassation a été rendue en matière civile, l'article 1384, alinéa 1er, ne pouvant être invoqué devant une juridiction correctionnelle statuant dans une procédure de coups et blessures volontaires, en l'absence, pour cette matière, de dispositions analogues à celles prévues par les articles 370-1 (sic) et 388-1 du Code de procédure pénale ;
" alors que l'article 69 du Code pénal fait obligation aux juridictions répressives, dans tous les cas de responsabilité civile qui se présentent devant elles, de se conformer aux dispositions des articles 1382 à 1386 du Code civil, sans aucune restriction ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'une personne est civilement responsable d'une autre, exceptionnellement sur le seul fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, les juridictions répressives sont tenues de faire application de ce texte ; que l'assemblée plénière de la Cour de Cassation, dans son arrêt du 29 mars 1991, a jugé que l'association, qui accepte la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un handicapé mental dans un milieu protégé, doit répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, et est tenue de réparer les dommages qu'il a causés ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu, lorsqu'il s'est rendu coupable du délit de coups et blessures, avait la qualité d'adulte handicapé mental placé au CAT géré par l'APASE ; qu'en déclarant irrecevable la mise en cause de cette association devant la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes susvisés " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé dans les mêmes termes par l'Union départementale des associations familiales ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que l'action civile en réparation d'un dommage découlant d'une infraction peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction ; qu'il s'ensuit que les règles de fond de la responsabilité civile s'imposent au juge pénal qui en est saisi par la victime ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Michel Y..., handicapé mental placé dans un Centre d'aide par le travail, a, dans l'enceinte de l'établissement, blessé à l'aide d'un outil un autre pensionnaire, Maklouf X..., majeur en tutelle ; que, par décision devenue définitive, il a été déclaré coupable de coups ou violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité de plus de 8 jours ;
Attendu que la victime, représentée par son tuteur, s'est constituée partie civile devant la juridiction répressive ; qu'elle a notamment demandé la réparation de son préjudice à l'Association pour la promotion des actions sociales et éducatives (APASE) qui gère le Centre d'aide par le travail, en raison de sa qualité de civilement responsable du dommage causé par le prévenu, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que, pour déclarer la demande irrecevable, la cour d'appel énonce que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables par les juridictions correctionnelles statuant dans une procédure de violences volontaires et que la victime doit porter devant la juridiction civile son action en responsabilité fondée sur le fait des personnes dont on doit répondre ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, omission de statuer, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir réformé le jugement déféré sur la mise en cause de l'APASE, civilement responsable du prévenu, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, a omis de statuer à nouveau sur la recevabilité de cette mise en cause sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du même Code " ;
Et sur le deuxième moyen de cassation proposé dans les mêmes termes par l'Union départementale des associations familiales ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 593 du Code de procédure pénale, sont déclarés nuls les jugements ou les arrêts qui omettent ou refusent de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ;
Attendu que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, la partie civile a, comme elle l'avait fait devant les premiers juges qui l'ont déboutée de ce chef, demandé, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, la condamnation de l'APASE en sa qualité de commettant, civilement responsable du dommage causé par son préposé ;
Attendu que l'arrêt attaqué, en omettant de statuer sur cette demande dans le dispositif de la décision, a méconnu les prescriptions du texte susvisé et encouru la nullité qui en sanctionne l'inobservation ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les troisièmes moyens de cassation présentés :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 mai 1993, mais seulement en ces dispositions relatives aux demandes formées contre l'APASE, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-82698
Date de la décision : 04/01/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - Personnes dont on doit répondre - Domaine d'application - Etablissement spécialisé relevant d'une association - Charge d'un handicapé mental.

Il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que l'action civile en réparation d'un dommage découlant d'une infraction peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction ; il s'ensuit que les règles de fond de la responsabilité civile s'imposent au juge pénal qui en est saisi par la victime. Encourt dès lors la censure l'arrêt qui déclare irrecevable la demande en réparation formée par la victime du délit sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil contre l'association qui a en charge le prévenu, handicapé mental, aux motifs que ce texte n'est pas applicable par les juridictions correctionnelles et que la victime doit porter devant la juridiction civile son action en responsabilité fondée sur le fait des personnes dont on doit répondre. (1).


Références :

Code civil 1384 al. 1
Code de procédure pénale 2, 3

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 mai 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Assemblée plénière, 1991-03-29, Bulletin 1991, Assemblée plénière, n° 1, p. 1 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 1995, pourvoi n°93-82698, Bull. crim. criminel 1995 N° 3 p. 7
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 3 p. 7

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Souppe, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Cossa, la SCP Matteï-Dawance, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.82698
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