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03/01/1995 | FRANCE | N°92-22004

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 janvier 1995, 92-22004


Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 1992), que, le 4 juillet 1990, la société de bourse Tuffier-Ravier-Py (société Tuffier) a exécuté des ordres de vente qui ont donné lieu, le 10 juillet suivant, à une livraison de titres effectuée par le groupement d'intérêt économique Service central de titres de Brunoy (groupement Brunoy) au moyen d'un virement au compte de la société Tuffier ouvert dans les livres de la Société interprofessionnelle de compensation des valeurs mobilières (Sicovam), tandi

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Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 1992), que, le 4 juillet 1990, la société de bourse Tuffier-Ravier-Py (société Tuffier) a exécuté des ordres de vente qui ont donné lieu, le 10 juillet suivant, à une livraison de titres effectuée par le groupement d'intérêt économique Service central de titres de Brunoy (groupement Brunoy) au moyen d'un virement au compte de la société Tuffier ouvert dans les livres de la Société interprofessionnelle de compensation des valeurs mobilières (Sicovam), tandis que la société Tuffier recevait de l'acquéreur des titres la somme de 24 835 993 francs, en paiement de leur prix ; qu'ayant été mise en redressement judiciaire le 19 juillet 1990, après que ses activités eurent été suspendues, le 13 juillet 1990, par le Conseil des bourses de valeurs, la société Tuffier n'a pas effectué le règlement des capitaux au groupement Brunoy ; que, par jugement du 4 septembre 1990, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Tuffier en retenant l'offre de reprise des sociétés Altus finance gestion (société Altus) et Cogespar, qui s'étaient engagées à " faire leur affaire du règlement des suspens de négociation régulièrement enregistrés et subsistant au 31 août 1990 " ; que, par deux jugements des 22 février et 18 avril 1991, le tribunal a précisé que les suspens de négociation visés par le jugement du 4 septembre 1990 " s'entendent de l'ensemble des suspens existant sur le marché boursier, qu'il s'agisse des suspens de règlement-livraison ou des suspens caractérisés par un litige " ; que, par un nouveau jugement du 17 juin 1991, le Tribunal, statuant au vu d'un accord signé entre les cessionnaires, le Fonds de garantie de la clientèle des sociétés de bourse et la Société des bourses françaises, a dit que " les malis relatifs aux autres suspens (titres livrés à la société Tuffier mais non encore réglés...) seront colloqués au passif de la société Tuffier pour leur montant intégral, étant précisé qu'une partie d'entre eux sera réglée par la Société des bourses françaises au titre de la garantie qu'elle assure pour les opérations effectuées et compensées sur le marché central " ; que le groupement Brunoy, déclarant invoquer l'engagement pris par les sociétés Altus et Cogespar, les a assignées en paiement de la somme de 24 835 993 francs ;

Attendu que les sociétés Altus et Cogespar reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des articles 50 de la loi du 25 janvier 1985 et 66 du décret du 27 décembre 1985 que le créancier dont la créance a son origine antérieurement au redressement judiciaire doit, dans les deux mois de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, déclarer sa créance, à peine de forclusion ; qu'en considérant qu'ayant fait leur affaire personnelle du règlement des suspens, dans le cadre du plan de cession, ce qui a créé un lien juridique direct entre les cessionnaires et les titulaires de suspens, et en affirmant que la mise en oeuvre de l'engagement ainsi souscrit échappe aux règles qui régissent la procédure collective à laquelle a été soumise la société Tuffier, la cour d'appel qui constate que cette cession a été faite dans le cadre du redressement judiciaire de la société Tuffier et qui cependant décide qu'il ne peut être exigé du groupement Brunoy qu'il justifie avoir déclaré sa créance au passif et avoir été admis, a violé les textes susvisés ; alors, d'autre part, qu'il résulte des articles 64 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 que le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous, l'ensemble des dispositions du plan ayant un caractère juridictionnel et non pas contractuel ; qu'il en résulte nécessairement que les engagements pris par le cessionnaire dans le cadre du plan de cession s'imposent à l'ensemble des créanciers dont la créance a été déclarée et admise ; qu'en considérant que l'engagement pris dans le plan de cession par les sociétés Altus et Cogespar de faire leur affaire personnelle du règlement des suspens a créé un lien juridique direct entre les cessionnaires et les titulaires de suspens et que la mise en oeuvre de l'engagement ainsi souscrit échappe aux règles régissant la procédure collective à laquelle a été soumise la société Tuffier et en en déduisant qu'il n'y a pas, pour ces raisons, à rechercher si le groupement Brunoy a déclaré sa créance, ni si elle a été admise, la cour d'appel a violé les articles 64 et suivants et 92 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, en outre, que le jugement définitif du 17 juin 1991 a été rendu au visa de l'article 68 de la loi du 25 janvier 1985, toutes les personnes visées par ce texte étant présentes ou représentées à l'audience ; que ce jugement a modifié substantiellement le plan de cession décidé par le jugement du 4 septembre 1990 et a autorité de la chose jugée ; qu'en considérant que ce jugement n'entre pas dans la catégorie de ceux mentionnés à l'article 68 de la loi du 25 janvier 1985, motif pris que le tribunal n'a pas été saisi par le débiteur ou le cessionnaire mais par le commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel a violé les articles 480 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ; et alors, enfin, que seuls les créanciers dont la créance a été déclarée et admise peuvent être appelés à intervenir dans la procédure de modification substantielle du plan de cession ; qu'en relevant que le groupement Brunoy, dont la demande était connue des sociétés Altus et Cogespar qu'il a assignées le 30 janvier 1991, n'avait été partie ni au " protocole d'accord ", ni au jugement du 17 juin 1991 et en en déduisant que ce jugement n'a pas porté atteinte aux droits dont se prévaut le groupement Brunoy et qui découleraient d'engagements pris par les sociétés Altus et Cogespar dans le cadre du plan de cession, la cour d'appel a violé les

articles 64, 68 et suivants et 10 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que le cessionnaire d'une entreprise, qui n'est pas l'ayant cause à titre universel du cédant et n'est pas ainsi tenu de régler le passif du débiteur antérieur à la cession, s'il peut prendre l'engagement, par une clause spéciale de l'acte de cession, de payer une dette antérieure de celui-ci, contracte alors, en tant que tiers, une obligation personnelle envers le créancier concerné qui résulte directement du jugement arrêtant le plan de cession, opposable à tous ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action formée par le groupement Brunoy à l'encontre des sociétés Altus et Cogespar tendant au paiement de leur dette personnelle envers lui au titre du règlement des capitaux, et fondée sur un engagement distinct de celui de la société Tuffier, n'était pas subordonnée, dans le silence de l'acte de cession, à la déclaration par le groupement Brunoy de sa créance au passif de celle-ci ;

Attendu, en second lieu : (sans intérêt) ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-22004
Date de la décision : 03/01/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Plan de cession - Cession de l'entreprise - Acte de cession - Engagement du cessionnaire - Paiement d'une dette antérieure du cédant - Conditions - Dette déclarée au passif du cédant (non) .

Le cessionnaire d'une entreprise en redressement judiciaire, qui n'est pas l'ayant cause à titre universel du cédant et n'est pas ainsi tenu de régler le passif du débiteur antérieur à la cession, s'il peut prendre l'engagement, par une clause spéciale de l'acte de cession, de payer une dette antérieure de celui-ci, contracte alors, en tant que tiers, une obligation personnelle envers le créancier concerné qui résulte directement du jugement arrêtant le plan de cession, opposable à tous. En conséquence, la recevabilité de l'action en paiement fondée sur cet engagement du cessionnaire n'est pas subordonnée, dans le silence de l'acte de cession, à la déclaration par le créancier concerné de sa créance au passif du cédant.


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 octobre 1992

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1994-05-17, Bulletin 1994, IV, n° 180, p. 143 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jan. 1995, pourvoi n°92-22004, Bull. civ. 1995 IV N° 4 p. 3
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 4 p. 3

Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : MM. Bouthors, Spinosi, Boullez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.22004
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