Attendu que Mme X..., propriétaire à Batz-sur-Mer d'un terrain bordé par le chemin de Codan, a obtenu le 14 mai 1975 un permis de construire comportant une clause ainsi libellée : " Le pétitionnaire devra céder au domaine public le terrain nécessaire aux élargissements et aménagements de voies prévus dans les conditions fixées à l'article R. 332-15 du Code de l'urbanisme " ; que, par lettre recommandée du 29 mai 1984, la commune l'a avisée de la prévision, dans le budget de l'année, de la création d'une voie dans le chemin de Codan, et à cet effet, d'une emprise sur sa propriété, conforme à la disposition du permis de construire ; que, le 16 juillet 1984, la société Berthaud, agissant sur instructions de la commune, a, à l'aide d'un bulldozer, arasé deux murs de clôture et endommagé des haies implantées sur la propriété de Mme X... ; que celle-ci, invoquant une voie de fait, a assigné la commune, la société Berthaud et le maire M. Y... en son nom personnel, pour les voir condamner à remettre les lieux en état et à lui payer des dommages-intérêts ; que la cour d'appel a dit que les faits précités constituaient, non une voie de fait, mais une simple emprise irrégulière, a débouté en conséquence Mme X... de sa demande de remise en état des lieux, a condamné la commune et la société Berthaud à lui payer des dommages-intérêts, et a mis hors de cause M. Y... ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé cette mise hors de cause, alors, selon le moyen, qu'en omettant de rechercher si l'action intempestive menée contre sa propriété, sans mise en oeuvre d'aucune procédure administrative préalable, ne constituait pas une faute personnelle de M. Y..., détachable de ses fonctions de maire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt énonce, après avoir analysé les faits de la cause, que n'est pas démontrée à la charge de M. Y... une faute personnelle qui soit dissociable de l'exercice de son mandat de maire ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise, et que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 545 du Code civil, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que, pour rejeter la prétention de Mme X... selon laquelle une voie de fait avait été commise à son préjudice, et retenir qu'elle pouvait seulement faire état d'une emprise irrégulière, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'obligation de cession gratuite imposée par le permis de construire n'avait pas fait l'objet d'un recours, retient que la commune pouvait exciper d'un droit dont seule la mise en oeuvre n'avait pas respecté les règles légales ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'arrêté portant autorisation de construire n'avait pas dépossédé Mme X... de son droit de propriété sur son terrain, et que, ainsi que le constate l'arrêt, la commune avait pris, par force, possession de ce terrain avant même d'observer les formalités propres à entraîner un transfert de propriété à son profit, ce dont il résultait qu'elle avait commis une voie de fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué à l'égard de la commune de Batz-sur-Mer et de la société Berthaud, l'arrêt rendu le 24 février 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.